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ARTICLE
Influence des croyances et des représentations de la psyché dans l’après-cancer du sein
Influence of Beliefs and Representations of the Psyche in the Post-Breast Cancer Period
1 Institut de recherche en sciences psychologiques, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1348, Belgique
2 Service d’oncologie-hématologie, Grand Hôpital de Charleroi, Charleroi, 6000, Belgique
3 Centre d’études pathoanalytiques Bruxelles, Belgique, Consultant pour l’analyse du Szondi auprès des équipes du service psycho-social du ministère de la Justice, Bruxelles, 1000, Belgique
* Corresponding Author: Virginie Di Silverio. Email:
Psycho-Oncologie 2024, 18(4), 349-357. https://doi.org/10.32604/po.2024.050402
Received 02 February 2024; Accepted 06 September 2024; Issue published 04 December 2024
RÉSUMÉ
L’annonce d’une maladie cancéreuse éveille ou renforce pour certains les représentations liées au pouvoir du psychisme sur le corps. L’investigation du champ des théories psychosomatiques convoque les croyances en une psyché garante de la bonne santé somatique. Une confusion dans l’appréhension des concepts liées aux facteurs psychiques comme responsable du bon fonctionnement du corps a, selon nous, des effets dans l’après-coup pour les femmes atteintes d’un cancer du sein. L’étude est menée auprès de six femmes atteintes d’un cancer du sein portant sur l’influence des croyances et des représentations de la maladie cancéreuse du sein. Cette recherche propose de discerner un mouvement psychique spécifique en post-traitement aigu d’un parcours de soins en oncologie. Nous identifions un lien possible entre les croyances et les représentations issues de la personne malade ou de son entourage et/ou des soignants et le renforcement possible d’un mouvement psychique défensif que nous appelons “Mouvement Obsessionnel Secondaire Transitoire” (MOST). Une recherche qualitative longitudinale sous le prisme d’une approche combinée associant un entretien clinique non-directif et un test projectif, le Szondi. Une étude portant sur deux temps spécifiques du parcours de soins en oncologie, en traitement (T1) et en post-traitement aigu (T2). Une analyse individuelle et transversale des douze protocoles du Szondi ainsi qu’une analyse thématique des entretiens non-directifs ont été réalisées. Les résultats corroborent l’identification de mouvements psychiques spécifiques pour ces six femmes. Au T1, on observe un besoin d’accrochage majeur, une labilité psychique favorisant la fixation de discours rassurant et une répression des affects. Aux T1 et T2, on identifie un désinvestissement du Moi et la présence de traits obsessionnels indépendants de la structure psychique de ces femmes. Au T2, on constate une levée du refoulement, un sentiment d’injustice majoré et un réinvestissement psychique progressif. Le mouvement psychique qui s’opère au T2 est le passage du désir de “rester comme avant” (T1) à “je pensais redevenir comme avant”. L’après-cancer témoigne souvent d’une dissonance entre le temps psychique et le temps médical. Une “guérison” annoncée d’un cancer du sein n’engage pas de fait une guérison psychique pour le sujet. Le MOST est significatif d’un pont psychique transitoire pour ces femmes traduisant une vulnérabilité psychique et des effets d’après-coup. Dans un processus de transition entre le monde des malades et des bien-portants sollicitant un désir et/ou une tentative, pour chacune, de contrôle face à l’incertitude du risque d’un retour de la maladie.Abstract
For some, the announcement of a cancerous illness awakens or reinforces representations linked to the presumed power of the psyche over the body. Different psychosomatic theories underline the importance of a specific psychic functioning as the guarantor of good somatic health. In our view, confusion in the understanding of such concepts has effects on the aftermath for women with breast cancer. Our study was carried out by six women with breast cancer and focused on the influence of beliefs and representations of breast cancer on how they experienced the acute post-treatment phase of an oncology care pathway. We identify a possible link between beliefs and representations held by the patient, his or her family, and/or caregivers, and the possible reinforcement of defensive psychic movement we call “Transient Secondary Obsessional Movement” (TSOM). Longitudinal qualitative research using a combined approach involving non-directive clinical interviews and a projective test, the Szondi. A study focusing on two specific phases of the oncology care pathway: treatment (T1) and acute post-treatment (T2). An individual and cross-sectional analysis of the twelve Szondi protocols and a thematic analysis of non-directive clinical interviews were carried out. The results corroborate the identification of specific psychic movements for these six women. At T1, we observe a major need to cling, a psychic lability favoring the fixation of reassuring discourse and repression of effects. At T1 and T2, we identify a decathexis of the Ego and the presence of obsessional traits independent of the women’s psychic structure. At T2, there is a lifting of repression, a heightened sense of injustice, and a gradual new psychic cathexis. The psychic movement that takes place at T2 is the transition from the desire to “stay as before” (T1) to “I thought I’d go back to being as before”. The post-cancer period often reflects a dissonance between psychic time and medical time: an announced “healing” of breast cancer does not necessarily imply a psychic recovery for the women concerned. The TSOM represents a transitory psychic bridge, reflecting psychic vulnerability and after-effects. In a process of transition from the world of the sick to that of the healthy, each woman is seeking and/or attempting to control the uncertainty of the risk of the disease returning.MOTS CLÉS
Keywords
Pour certain franchir les portes d’un service d’oncologie représente la première rencontre avec la mort [1]. Bacqué et Baillet soulignent qu’il se produira régulièrement une dissociation psychique au moment de l’annonce du diagnostic [1]. Une dissociation qui émane d’un processus défensif du moi inconscient [1]. Les patients évoquent une dissonance entre le vécu d’être le sujet principal concerné par l’annonce du diagnostic et la sensation d’en être le spectateur, un des effets du traumatisme [1]. Venturini rappelle que la maladie cancéreuse est identifiée comme traumatique pour le sujet [2]. Le cancer fait irruption dans l’enchainement de la vie de l’individu exigeant des remaniements psychiques [3]. Pour le sujet, la rencontre avec le risque mortel convoque d’intenses défenses psychiques et met en lumière la complexité de saisir, dans le fonctionnement de la psyché, ce qui précède ou ce qui est secondaire à la pathologie cancéreuse [4]. Une épreuve qui mène à l’émergence de mouvements psychiques transitoires [5]. Nous rendons compte de cette temporalité et des mouvements singuliers et similaires pour les femmes atteintes d’un cancer du sein résultant d’une analyse transversale portant sur deux périodes du parcours de soins en oncologie. Dans l’après-cancer, nous proposons de conceptualiser le mouvement psychique spécifique que nous appelons “Mouvement Obsessionnel Secondaire Transitoire” (MOST). La recherche d’une étiologie à la maladie cancéreuse conduit certains à postuler pour un impact direct des facteurs psychologiques dans l’émergence et/ou l’évolution d’une maladie cancéreuse. Marty développe le concept de dépression essentielle et postule que l’acte psychothérapeutique a une incidence positive sur les foyers cancéreux [6,7]. Jasmin publie une étude qui interroge “le rôle de la structure psychique de base” sur la “résistance vis-à-vis du cancer du sein” et d’une prédisposition à celle-ci [8]. LeShan publie ses travaux traitant du lien entre l’affection cancéreuse et des situations psychologiques spécifiques, la corrélation entre la personnalité du patient et le délai entre la survenue du cancer et le décès du patient ainsi que le lien entre la personnalité et la localisation tumorale [9]. Grossarth et Maticek a mené une étude prospective durant dix ans qui conduit à un profil de personnalité prédisposant à l’affection cancéreuse [10]. Bahne Bahnson et Bahnson ont proposé des théories à la croisée de la psychologie du Moi et des prémices d’élaborations de la relation psyché-soma appliquées aux patients cancéreux [11]. Dutot, Lambrichs et Liste postulent que le cancer du sein est lié à la perte d’un être cher [12,13]. Temoshok développe la personnalité de type C [14]. Ces soixante dernières années ont fait l’objet de tentatives de fondements scientifiques sur l’incidence des facteurs psychiques en cancérologie [15]. Certains auteurs ont publié des travaux à contre-courant des théories psychosomatiques causalistes. Sami-Ali postule pour une dimension d’impasse relationnelle multifactorielle pour le sujet [16]. Doucet propose un référentiel somato-psychique [17]. D’autres ont mis à l’épreuve les travaux arguant un lien significatif entre un facteur psychique et l’émergence d’un cancer. Schraub et al. ont analysé une revue des publications récentes infirmant ou nuançant le lien causal entre un “évènement de vie” et la survenue d’un cancer [18]. McKenna et al. ont réalisé une méta-analyse réfutant un lien significatif probant entre l’émergence d’un cancer du sein et les facteurs psycho-sociaux dont le type de personnalité et le stress [19]. Jadoulle précise que le manque “d’explications scientifiques” dans une affection somatique provoque “presque toujours un appel d’air du côté des théories psychosomatiques” [20]. Malgré les conclusions d’études réfutant un déterminisme psychologique dans la maladie cancéreuse [15], les travaux postulant pour l’existence de facteurs psychologiques prédisposant au cancer ont eu un retentissement majeur dans le champ médical [21]. Notre attention se porte sur l’ancrage des représentations du rapport entre la psyché et le soma dans la pensée collective en cancérologie [22,23]. L’objectif de notre recherche est d’en identifier les effets dans l’après-cancer auprès des femmes ayant vécu un cancer du sein.
L’étude menée auprès de six femmes atteintes d’un cancer du sein porte sur l’influence des croyances et des représentions de la maladie cancéreuse du sein. Cette recherche propose de discerner un mouvement psychique spécifique en post-traitement aigu d’un parcours de soins en oncologie. Nous étudions le lien entre les croyances et les représentations d’un déterminisme psychosomatique affirmant qu’une étiologie psychique favorise le déclenchement ou l’évolution d’une maladie cancéreuse et le renforcement possible d’un mouvement psychique défensif que nous appelons “Mouvement Obsessionnel Secondaire Transitoire”.
Le choix des participantes est déterminé par l’infirmière coordinatrice de soins en oncologie de la clinique du sein sur base des critères d’inclusions fournis par le psychologue-chercheur. L’échantillon s’est construit sur base de cinq dimensions liées à la discipline oncologique dans les maladies cancéreuses du sein et aux biais identifiés. Le premier critère d’inclusion est d’être une femme. Il est défini selon la prévalence du cancer du sein chez l’homme qui se situe en dessous de 1% contrairement à la fréquence chez la femme [24,25]. Le second est lié à la teneur symbolique de l’organe touché, le sein est un organe féminin particulièrement investi symboliquement [5]. Le troisième prend en considération le type de cancer du sein. S’agissant d’une étude sur les femmes en voie de guérison d’un cancer du sein avec un risque de récidive, les femmes atteintes d’un primo diagnostic de cancer du sein non-métastatique à risque de rechute sont inclues. Le quatrième s’articule en fonction du parcours médical oncologique de ces femmes. Ces femmes subiront une intervention chirurgicale, un traitement de chimiothérapie et un traitement de radiothérapie. Le dernier critère implique l’absence d’antécédents psychiatriques avérés.
L’infirmière CSO initie le recrutement et engage un accord de principe préalable à une rencontre avec le psychologue-chercheur. Le psychologue-chercheur rencontrera les participantes afin de présenter l’étude et un consentement éclairé. Pour l’étude, les patientes ont été sollicitées à deux moments de leur parcours de soins oncologique. Le T1 se situe entre l’annonce du diagnostic et le post-intervention chirurgicale et le T2 a 1 an minimum de l’annonce du diagnostic.
Dans une perspective de recherche qualitative longitudinale, nous choisissons une approche combinée. Pour éclairer le processus psychique de ces femmes, nous optons pour un entretien clinique non-directif associé à une technique projective, le Szondi. Au T1 et au T2, le psychologue-chercheur pose la question : “comment vous sentez-vous aujourd’hui dans votre parcours oncologique ?” en début d’entretien. Castarède souligne, en parlant de l’entretien non-directif dit en profondeur, que “plus le niveau de liberté sera grand, plus les réponses seront riches et complexes ; […]” [26]. Les entretiens non-directifs sont enregistrés. Pour une analyse thématique des entretiens recueillis, le psychologue-chercheur les a retranscrits. L’analyse thématique est réalisée au départ d’une liste établie des thèmes étudiés. La construction de la liste provient “du cadre conceptuel, des questions de recherche, hypothèses, zones problématiques et variables clés que le chercheur introduit dans l’étude” [27]. En fin d’entretien, il effectue la passation du Szondi. Brelet-Foulard et Chabert précisent que les méthodes projectives ont une fonction d’identification et d’évaluation des aspects du fonctionnement psychique singulier, au départ de l’écoute et du décodage d’un discours délimité par un contexte particulier et singulier, les agencements défensifs, l’énonciation des conflits inter-ou intra-personnels, les ressources d’un sujet [28]. Le Szondi est une technique d’investigation qui a un appui théorique propre, le schéma pulsionnel [29]. Le schéma pulsionnel est établi comme une structure dynamique suivant la présentation et le recensement des facteurs et vecteurs pulsionnels choisis par le sujet [30]. Un protocole de Szondi implique dix passations [31]. La cotation des protocoles est encodée par le psychologue-chercheur suivant la grille de cotation standardisée et encodé dans le logiciel informatique créé par Louvet [32]. Sur base des résultats obtenus, une analyse individuelle et transversale des douze protocoles du Szondi est réalisée par deux spécialistes szondiens. Au T1 et au T2, le nombre de rencontres avec les patientes est régulé en fonction des dix passations nécessaires pour le protocole de Szondi [31]. Le T1 et le T2 s’étendent chacun sur une période d’environ deux mois.
L’épreuve de la maladie cancéreuse convoque une question récurrente : pourquoi le cancer a surgit dans la vie de l’individu ? Certaines femmes atteintes d’un cancer du sein expriment en consultations médicales, paramédicales et/ou psychologiques leurs représentations, leurs croyances ou leurs explications sur l’origine psychique de la pathologie cancéreuse ou de son évolution [33]. Il est intéressant d’entendre les représentations de chacune, le lien et/ou le sens qu’elles supposent ou certifient entre la maladie cancéreuse et le déterminant psychique. Qu’advient-il de la réponse ou de la représentation que l’interlocuteur, le soignant, les écrits, les médias, les théories de la psyché renvoi ? Les contributions théoriques postulant pour un lien causaliste [7,8,12–14] auxquelles s’ajoutent les croyances et les représentations propres et d’autrui, ouvrent la voie à la possibilité de croire que certains troubles organiques ne surgissent pas “par hasard” dans l’histoire de vie de certains sujets [34]. Il existerait un lien causal entre les croyances ou les représentations du pouvoir de la psyché et l’apparition de la maladie.
Notre formation de psychologue et psychothérapeute nous invite à entendre en deçà et au-delà du discours évoqué et conscient du sujet. Notre clinique en oncologie nous sensibilise à accompagner les représentations symboliques exprimées par ces patientes [35]. Celles-ci témoignent d’une nécessité d’explications rassurantes, d’une défense psychique rationalisante ou sont issues du discours de l’autre. Une sorte de pare-feu empêchant parfois le déploiement d’un travail d’élaboration face à l’angoisse [36]. Une dérive est de croire que la guérison d’une pathologie ici cancéreuse, est tributaire d’une compréhension de la problématique psychique tel un message à décoder pour s’assurer de la bonne santé [37]. Ce type de confusion peut-être délétère en empêchant un travail d’élaboration psychique, en induisant de la culpabilité, en biaisant un suivi médical adéquat ou en favorisant un risque d’effondrement psychique. La confusion opérante dans l’appréhension des concepts liés aux facteurs psychologiques comme ayant une incidence majeure sur le corps ont, selon notre hypothèse, des possibles effets d’après-coup chez les patientes.
Un consensus existe pour reconnaître la période d’après-traitement aigu comme un moment de transition pour les patientes associée à un risque de vulnérabilité psychologique [5,38,39]. Nombre de patientes que nous rencontrons utilisent l’analogie : “j’ai le cul entre deux chaises” signe de la temporalité psychique qui diffère de la réalité médicale. Une zone de transition entre le monde des bien-portants et des malades du cancer. Nous posons l’hypothèse du surgissement, chez les femmes ayant traversé l’épreuve du cancer du sein, d’un mouvement psychique spécifique. Nous proposons de conceptualiser une mobilisation psychique que nous avons nommé le “Mouvement Obsessionnel Secondaire Transitoire”, observé cliniquement durant ce temps particulier. Bien que nous nous appuyons sur une référence singulière de l’épreuve de la maladie et de son inscription dans l’histoire du sujet, nous identifions que les femmes que nous rencontrons présentent des mouvements psychiques réactionnels similaires tant au moment des traitements que dans l’après-traitement aigu. Nous postulons pour l’existence d’un mouvement psychique qui apparaît en post-traitement aigu sous une forme défensive dans un processus de type obsessionnel. Un procès composé d’éléments cliniques repérables tels que le contrôle, la culpabilité, l’angoisse, la rumination mentale, des vérifications multiples, le doute, le sentiment d’impuissance. Dans ce cas-ci la spécificité du trait de caractère obsessionnel est qu’il ne découle pas de la structure psychologique initiale du sujet mais fait référence à des aspects relationnels patents auxquels le sujet confronté à une situation particulière peut avoir recours [40]. Lorsqu’on fait référence aux traits de caractères obsessionnels, il est question de tentative de compromis entre les pulsions et les défenses du Moi [40]. Nous présumons que la structure psychique ou la personnalité du sujet n’entre pas en compte dans le surgissement du MOST. Les notions d’imprévu et d’incertitude favorisent le champ de l’angoisse [40]. Dans une tentative de contenir l’angoisse, ces femmes déploient des mécanismes psychiques transitoires. Nous proposons de qualifier ces mouvements psychiques de secondaires dans la perspective de nous inscrire dans une approche somato-psychique [17].
Nous identifions un mouvement psychique passager, un pont psychique, qui permet dans le meilleur des cas une réinscription dans la vie pour les femmes concernées. Dans l’après-cancer, on constate que certaines femmes éprouvent le besoin de donner un sens à l’épreuve du cancer, de récupérer la direction de leur vie et/ou de tenter de “retrouver du contrôle”, permettant de contrer le sentiment d’impuissance et sa fréquente conséquence, le désespoir [39]. Un mouvement de proactivité émerge chez elles d’une part pour regagner du contrôle psychique et d’autre part contrôler leur devenir, et spécifiquement “contrer le risque de récidive” [39]. L’après cancer est un passage, dans lequel peut s’opérer une mobilisation identitaire constructive pour ces femmes [5]. Dans ce cas-ci, nous parlerons d’un mouvement psychique salutaire malgré l’inconfort psychique et physique présent. En consultation ces femmes témoignent de la présence de l’angoisse liée au risque de récidive et de leurs tentatives pour la contrer ou l’apaiser. Certaines évoquent des associations psychosomatiques “sauvages” qui semblent renforcer défavorablement les mouvements psychiques présents.
La pathologie cancéreuse engage face à l’angoisse la singularité du sujet mais aussi le discours de l’autre malade, soignant ou bien-portant. L’accès aux interactions entre les croyances et les représentations sur la compréhension d’une maladie cancéreuse sont multiples surtout dans notre société hyper-connectée. Nous faisons l’hypothèse qu’une personne vivant l’épreuve de la maladie cancéreuse peut présenter une labilité psychique portant une attention à la parole de l’autre surtout les détenteurs d’un supposé-savoir. L’idée que le psychisme détient un “pouvoir” sur la pathologie cancéreuse est prégnante et s’étend même parfois sur le choix de l’organe touché [12,13]. Une pensée engageant la primauté du psychisme sur le corps voir la volonté ou la possibilité de l’individu de guérir [41,42]. Jadoulle souligne que “La vogue du psychosomatisme nie l’autonomie même partielle de notre corps, et fait de toute maladie une production de notre psyché. Ce faisant, elle répond à nos fantasmes de toute-puissance de l’esprit sur le corps : dans une telle logique, un fonctionnement psychique “sans faille” nous protège des maladies, ou nous permet d’en guérir” [37].
Notre hypothèse est que les représentations et croyances liées au “pouvoir” du psychisme ont un impact psychologique chez ces patientes dans l’après-cancer. Sous forme d’un effet d’après-coup, la croyance dans un déterminisme psychique favoriseraient ou alimenteraient défavorablement un MOST.
L’analyse thématique retient dix thèmes issus des entretiens non-directifs pour ces six femmes. Les thématiques sont : la dissonance psychique, le sentiment d’injustice, les conséquences des traitements, l’esprit combatif, la parole des soignants, la comparaison aux autres malades, la tentative de contrôle, le rapport aux proches, le risque de récidive, l’incidence du facteur psychique.
L’analyse transversale des douze protocoles du Szondi montrent que les six femmes, identifiées par des prénoms d’emprunts, d’âges, de milieux et de structures psychologiques différentes présentent des mouvements psychiques communs (Tableau 1).
La répression de l’affect [hy-!] est présente chez toutes ces patientes essentiellement au T1 et diffère du profil psychosomatique issu des théories szondiennes [43]. Cette répression de l’affect tend à diminuer au T2.
Le besoin d’accrochage majeur et le lien au discours rassurant [m+!] sont identifiés chez chacune. Ce facteur au T1 indique que ces femmes ont besoin de s’accrocher à un “autour de soi”. Il témoigne de la labilité psychique favorisant l’ancrage de discours rassurant. Le facteur [m] ayant trait à l’oralité est une tendance qui peut se manifester par un recours au discours maternant [31].
On observe que la dimension obsessionnelle est un élément exogène et réactionnel à l’épreuve de la maladie. L’apparition ponctuelle de mécanismes de défenses obsessionnels de type compulsif sous la forme [k±] sont présents indépendamment de la structure psychique de ces six femmes. Précisons que des éléments de traits obsessionnels apparaissent dans les protocoles. Ceux-ci se manifestent au travers du besoin de contrôle, du sentiment de culpabilité, du besoin de cadre venant de l’autre ou imposé par soi, de la rumination mentale, de la crainte d’une pensée négative non-contrôlée. L’analyse des verbatims confirme un besoin d’avoir une prise sur ce parcours de maladie et ses conséquences. L’incidence du facteur psychologique est un élément identifié dans ce besoin de maîtrise. Giulietta : “Maintenant j’essaye de tout faire pour que ça aille bien, enfin vous voyez pour que ça ne revienne pas. On m’a dit de me changer les idées et de ne pas trop penser au cancer mais j’y pense alors j’espère que ça ira quand-même. Vous voyez on ne sait jamais”. Gabrielle : “(…) Bon je fais des angoisses mais je garde le moral c’est le principal. On me le dit souvent que le moral ça compte beaucoup contre le cancer. Ce n’est pas maintenant que je peux flancher”.
Dans le vecteur du Moi, trois participantes s’orientent vers le facteur [p–] et trois s’orientent vers le facteur [p+]. Ces choix expriment deux tendances pulsionnelles : le [p–] est la tendance pulsionnelle à l’origine de l’identification au travers de la participation et/ou de la projection qui fait exister un Grand autre [31]. Le sujet se considère comme une victime des circonstances. La cause se trouve en dehors de son corps ou chez l’autre. Le [p+] est la tendance à se donner une identité unique pour soi-même, s’affirmer dans l’Être. Le sujet [p+] se veut être à l’origine de ce qui lui arrive. La tendance [p–] c’est “Être par l’autre” tandis que la tendance [p+] correspond à “l’Être par soi-même” [31]. On repère, dans les entretiens non-directifs, ces mêmes processus psychiques qui se traduisent par des affects de rage [p–] ou de culpabilité [p+]. Paola : “Pourquoi ça m’arrive à moi, qu’ai-je fait pour mériter un cancer ? je ne comprends pas, j’ai suivi tout ce qu’il fallait pour éviter ça”. Daniella : “Alors oui je suis révoltée, ça reste injuste (…)”.
L’analyse des verbatims témoigne d’un détachement du Moi psychique dans leur parcours de soins. Paola : “J’ai l’impression que je dors de l’intérieur”. On identifie un frein à l’élaboration psychique au T1. La passation du Szondi corrobore ce repérage clinique au travers du vecteur du Moi qui chez toutes ces femmes est peu investi. Ces femmes placent en retrait temporairement des questions fondamentales du rapport à elles-mêmes. Leurs préoccupations se situent davantage au niveau du corps (Vecteur sexuel), de l’injustice (Vecteur Paroxysmal), du besoin d’accrochage (Vecteur du contact). Au T2, le vecteur du Moi reste peu investi cependant de façon moins massive qu’au T1. Seuls les vecteurs du contact et/ou du Sexuel sont investis à l’avant-plan par ces patientes. Il s’agit de deux vecteurs dits périphériques. Ces femmes oscillent entre la relation avec elle-même et ce qui n’est pas/plus elle. Cette observation d’un Moi qui se manifeste davantage au T2 atteste d’un réinvestissement psychique dans une temporalité à distance du parcours des traitements aigus contre la maladie. Les verbatims mettent au jour ce processus de façon singulière pour chacune. Katherine : “Je suis consciente que c’est le contrecoup, j’en suis consciente. C’est très pénible parce que ça arrive vraiment tard par rapport à tout ça”. Janine : “Aujourd’hui je suis fort anxieuse. Je ne sais pas pourquoi. Je le suis déjà un peu mais pas comme ça. Ce n’est pas évident, c’est plein de choses qu’on ne contrôle pas et c’est ça qui est inquiétant”. Dans le vecteur du Moi, le facteur [k] surgit dans les protocoles de ces femmes de façon spécifique. Il s’exprime, soit à l’avant-plan soit à l’arrière-plan, au T1 et/ou au T2, sous la forme d’un [k−!]. Ce qui est le signe prégnant d’une tendance pulsionnelle à l’auto-dévalorisation, à l’auto-sabotage, au réalisme négativiste au T1 et au T2. La présence de la combinaison [hy-!, k−!] pour quatre d’entre elles indique une crise latente.
Le refoulement [k−, p0] présent à l’avant-plan au T1 se lève au T2 pour laisser place au “Moi gris” [k–, p–]. Un Moi qui a tendance à s’adapter en se niant tant dans l’être et que dans l’avoir [31]. Ce qui indique une adaptation de surface chez ces femmes. Or, à l’arrière-plan, on identifie dans les protocoles de ces six patientes, des éléments significatifs des théories post-szondiennes telles que des cartouches de désarroi qui témoignent d’un sentiment d’incertitude majeur et d’un état de panique et des marasmes [44]. La stabilité manifeste à l’avant-plan peut s’éclairer cliniquement dans les entretiens non-directifs par le désir pour ces femmes de “Je veux être comme avant”. On constate une majoration du sentiment d’iniquité [e-] au T2. A la lecture du Szondi, le mouvement psychique qui s’opère au T2 est le passage du désir de “rester comme avant” à “je pensais redevenir comme avant”.
L’annonce d’une maladie cancéreuse éveille ou renforce pour certains les représentations liées au pouvoir du psychisme sur le corps. L’investigation des théories psychosomatiques nous amène à la constatation de l’existence, pour plusieurs d’entre elles, d’une influence des carences de liaison psychique dans l’étiologie du cancer, ici le cancer du sein [45]. Dans cette perspective, afin de garantir la bonne santé, les patientes n’ont pas intérêt à faillir psychiquement. Bacqué souligne une dimension commune, celle de la peur de la maladie [46]. Comme dans la littérature issue du domaine de la psycho-oncologie, nous identifions que les patientes vivent des mouvements psychiques défensifs pour tenter de faire face au traumatisme issu de la confrontation au réel de la mort [1,3,5]. Un Moi peu investi à l’avant-plan révèle, particulièrement au T1, qu’une parenthèse psychique émerge pour ces femmes impliquant la répression de certains affects afin de tenter de faire avec l’impensable. La dissociation psychique relevée dans les verbatims et les protocoles du Szondi témoigne d’un processus défensif du moi inconscient qui exprimerait, selon Bacqué et Baillet, une impossibilité pour le sujet de faire face à l’angoisse [1]. Le vecteur du Moi est significativement désinvesti empêchant un travail d’élaboration et induisant une répression des affects au T1 qui décroît au T2. L’observation d’une mobilisation psychique réactionnelle au traumatisme de l’annonce de la maladie permet de postuler pour une lecture somato-psychique des mécanismes psychologiques. Dans ce cas-ci, la répression des affects est une modalité défensive et non un déterminant psychique favorisant une pathologie cancéreuse. Ces résultats diffèrent de certaines théories psychosomatiques causalistes [11,14] ou issues du “psychosomatisme” [37].
Le repérage de la dimension exogène des traits de caractères obsessionnels rejoint le concept d’un Mouvement Obsessionnel Secondaire Transitoire associé au traumatisme vécu face à ce parcours de cancer du sein. Il permet de mettre à distance l’idée d’un profil du “cancéreux” [14]. Ces femmes vivant l’épreuve de la maladie déploient des défenses psychiques face au sentiment de vulnérabilité [5,39,47,48]. Ces résultats rejoignent Bergeret lorsqu’il postule d’un compromis entre les pulsions et les défenses du Moi [40].
Le Mouvement Obsessionnel Secondaire Transitoire est significatif d’un pont psychique transitionnel pour ces femmes qui traduit une vulnérabilité psychique et des effets d’après-coup. Des éléments cliniques qui s’expriment dans un processus de transition sollicitant un désir et/ou une tentative de contrôle face à l’incertitude du risque d’un retour de la maladie. Certaines études montrent que l’incertitude médicale ressentie par les patientes atteintes d’un cancer du sein est liée au partage dans la relation médecin-patient de l’espoir d’une issue favorable [49,50]. Le risque de récidive implique la continuité d’un contrôle médical dans la perspective d’une rémission encore aléatoire. Au T2, les six participantes expriment dans les entretiens non-directifs de la perte de contrôle et/ou des tentatives pour contrer un retour de la maladie, déjouer le sentiment d’incertitude. Daniella : “Je voudrais qu’on me réponde en profondeur pour éviter que ça ne revienne.” Le MOST s’inscrit dans un processus d’essai de maîtrise dans l’après-cancer. L’identification du passage d’un refoulement [k−, p0] au “Moi gris” [k–, p–] traduit une remise en mouvement de la pensée. Une levée du refoulement qui invite l’esprit à une conscientisation du risque d’une rechute de la maladie [23,38,39] et à la réalisation de l’impossibilité d’être comme avant tant psychiquement que physiquement. Cette prise de conscience mène à la nécessité pour certaines de récupérer un contrôle psychique ou contrecarrer une éventuelle rechute de la maladie [39].
La peur comme compagne de route et l’absence de raison médicale identifiable quant à l’étiologie de la pathologie cancéreuse conduisent certaines patientes à construire leurs propres réponses [4,48]. Une tentative d’inscrire du sens au non-sens face à l’irruption de la maladie cancéreuse [3,4,48]. Les résultats de l’étude mettent en évidence que le vécu durant le parcours de soins (T1) de ces patientes convoque le rapport au corps, au besoin de s’accrocher à et au sentiment d’injustice comme dans le repérage clinique souligné par Lehmann [5]. Les témoins d’une forme de sidération psychique protectrice et propice à l’encrage de discours rassurants [m+!] tels que les croyances et les représentations liées au pouvoir de la psyché. La présence d’une labilité psychique pendant les traitements oncologiques contribue à penser que la croyance en un déterminisme psychologique qui émane des constructions psychiques propres ou de la parole d’un détenteur du supposé-savoir ont parfois un écho défavorable dans le temps de l’après-cancer. Précisons que les représentations causales peuvent aussi avoir une fonction psychique pour ces patientes [4]. L’étude met en évidence que dans ce temps de transition (T2), ces six femmes associent le déterminisme psychique comme un possible garant de la bonne santé oncologique.
Un raccourci issu des théories causalistes véhiculées dans le chef de certains soignants ou dans les médias non avertis est de soutenir que la guérison/la rémission d’un cancer peut-être tributaire de la “bonne santé psychique” du sujet [20,23]. Le moral c’est 50% de la guérison ! Une phrase qui résonne souvent dans nos consultations en cancérologie. Les mouvements psychiques observés au T1 permettent l’inscription de ce type de discours. La levée progressive du refoulement et la nécessité de contrôle identifiée au T2 font ressurgir les représentations d’un déterminisme psychologique. A la lecture de ces observations, il semble opportun de sensibiliser les soignants et non soignants sur les effets éventuels de ces croyances théoriques. Nous postulons pour que les professionnels du soins psychiques accompagnent la réinscription de la maladie dans l’histoire psychique du sujet dans laquelle la question du sens n’engage pas les origines de la maladie concernée. Nous rejoignons Jadoulle lorsqu’il évoque la notion de sens “secondaire” qui peut advenir dans le travail psychologique engagé par ces patientes [51].
Le MOST s’inscrit dans un après-coup, dans un temps de transition entre le monde des bien-portants et des malades. L’après-cancer, implique souvent une dissonance entre le temps psychique et le temps médical [5]. Une “guérison” médicale annoncée d’un cancer du sein n’implique pas de fait une guérison psychique. La guérison psychique [4] diffère de la guérison somatique comme le temps psychique se distingue dans sa rythmicité du temps réel. Les verbatims et le Szondi attestent de ce processus en déterminant que le rythme psychique est propre au sujet. En tant que professionnelle du soin psychique, il paraît pertinent d’identifier ce qui peut prévenir voir entraver ce passage psychique dans l’après-cancer afin de tenter d’accompagner au mieux ces femmes.
L’étude se compose d’un échantillon de six patientes. Bien qu’il ne soit pas représentatif de la population des femmes atteintes d’un cancer du sein, son homogénéité permet une première observation des femmes ayant été confrontées à un cancer du sein non muté et non métastatique. Ce qui représente 70% des cancers du sein [24]. Il s’agit d’une étude qualitative portant sur une expérience commune pour une cohorte déterminée dont le but est de repérer un phénomène spécifique au départ d’expériences subjectives [52]. Cet échantillon inclut six sujets impliquant vingt rencontres avec chacune. Le nombre de rencontre associé à une approche combinée et à l’intervalle temporelle T1, T2 contribuent à la richesse des données récoltées [53]. Dix patientes ont intégré l’étude. Au T1, trois patientes ont interrompu leur participation pour raisons médicales et une patiente présentait une pathologique psychiatrique avérée.
Un T1 et T2 ont été pris en compte dans cette recherche longitudinale. Afin de témoigner davantage d’une évolution du processus psychique dans l’après-cancer, l’étude d’un T3 nous paraît opportun. Notre étude porte sur une période qui permet d’observer un processus psychique spécifique (MOST) dans une temporalité médicale transitoire. L’étude questionne le repérage des mouvements psychiques au T1 par rapport au T2 selon le référentiel d’une possible vulnérabilité psychique d’après-coup [34,54]. Un T3 défini après une confirmation de la rémission médicale permettrait d’observer les mouvements psychiques associés et les effets éventuels des représentations causalistes de la maladie. L’étude d’un T3 pourrait éclairer les processus psychologiques à plus long terme et à distance de tous traitements oncologiques.
Bydloswski mentionne que dans la recherche en sciences humaines, “l’objet de recherche a sa réalité et ses lois de fonctionnement indépendantes de celui qui l’observe” [55]. Notre hypothèse de recherche est indéniablement liée à notre pratique de terrain. Afin de limiter les biais interprétatifs des données récoltées, deux spécialistes szondiens ont réalisé l’interprétation des résultats du Szondi. L’analyse thématique favorise également une limite d’interprétation des résultats [56]. L’utilisation d’une approche combinée permet une triangulation des données récoltées.
Pour notre étude, nous sommes partis du postulat que la maladie cancéreuse du sein est le surgissement pour ces femmes d’un réel du corps convoqué malgré elles dans le champ du soma et de ses conséquences. Comme Glineur, nous retenons qu’il est de l’ordre de la pensée magique de soutenir une “conception de “l’activité psychique” et des “défenses du Moi” comme d’éventuels protections contre la vulnérabilité du corps” [57].
Les professionnels de soins psychiques accompagnent ce qui peut prendre sens pour le sujet. L’identification d’un temps de transition psychique labile amène à formuler des recommandations à nos soignants [58]. Nous proposons de sensibiliser les intervenants des services d’oncologie à l’impact parfois délétère d’associations théoriques rapides et banalisées telles que : “il faut garder le moral ! tu es volontaire, tu es courageuse, ça va aller”, “il ne faut pas penser au cancer, ce n’est pas bon”, “le moral contribue à la guérison”. Ben Soussan témoigne de l’imprégnation de la métaphore du combat contre le cancer. Il souligne que “[…] l’allégorie du combat semble seul venir caractériser l’action thérapeutique et l’organisation de la lutte contre le cancer […]” [59]. Une perspective qui laisse sous-entendre l’idée d’un impact direct de la force morale du patient face à la maladie.
Comme Pucheu, nous postulons que la guérison psychique est singulière [4]. La particularité dans la maladie cancéreuse du sein est le risque de récidive permanent [60]. Cette réalité médicale engage pour ces femmes de vivre avec une épée de Damoclès [61]. Paola : “Je vis avec l’épée de Damoclès, je crois qu’au fond de moi-même il y a un truc. (…) c’est une peur de ne pas être là, de ne pas pouvoir (…)”. Janine : “Je dis toujours que j’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ça peut revenir à tout moment et voilà quoi”. Dans l’après-cancer, on identifie le déploiement de mouvements psychiques similaires et l’émergence de traits obsessionnels défensifs. A l’analyse des entretiens non-directifs et de l’interprétation du Szondi, nous constatons, pour ces femmes, l’empreinte traumatique d’un parcours de soins oncologique. Dans ce cadre, nous soutenons un accompagnement des patients(es) dans leur singularité en tenant compte des effets fonctionnels et/ou défavorables des constructions internes et externes du déterminisme psychique.
Remerciements/Acknowledgment: Nous remercions les six patientes qui ont accepté de participer à cette recherche. Nous remercions le Pr. Ph. Lekeuche pour sa collaboration et son expertise.
Financements/Funding Statement: Le ou les auteurs n’ont reçu aucun financement pour cette étude. Cette recherche est réalisée en fond propre dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’Université catholique de Louvain.
Contributions des auteurs/Author Contributions: Les auteurs confirment leurs contributions à l’article comme suit: conception de l’étude : Virginie Di Silverio, Susann Heenen-Wolff, Jochem Willemsen ; Collecte des données : Virginie Di Silverio ; analyse et interprétations des résultats : Virginie Di Silverio, Patrick Derleyn ; Traduction anglaise : Susann Heenen-Wolff ; Conception et rédaction : Virginie Di Silverio. Tous les auteurs ont examiné les résultats et approuvé la version finale du manuscrit.
Disponibilité des données et du matériel/Availability of Data and Materials: Contacter l’auteur principal par email: virginie.disilverio@uclouvain.be, vidi18@hotmail.com.
Avis éthiques/Ethics Approval: L’étude a obtenu l’approbation du comité d’éthique du Grand Hôpital de Charleroi, Belgique. (IRB number : OM100/A27). Tous les participants ont signé le consentement éclairé dans cette étude.
Conflits d’intérêt/Conflicts of Interest: Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts à signaler concernant la présente étude.
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