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ARTICLE
Evaluation d’une stratégie multimodale d’information et de recueil des directives anticipées dans un Centre de Lutte Contre le Cancer : description du protocole de l’étude
Assessment of a Multimodal Strategy for Information and Collection of Advance Directives in a Comprehensive Cancer Center: Description of the Study Protocol
1 Laboratoire Psychopathologie et Processus de Santé (UR 4057), Institut de Psychologie, Université Paris Cité, Boulogne, 92100, France
2 Département Interdisciplinaire d’Organisation du Parcours Patient, Institut Gustave Roussy, Université Paris Saclay, Villejuif, 94805, France
* Corresponding Author: Léonor Fasse. Email:
(This article belongs to the Special Issue: Pluridisciplinarity and methods for SHS research in the field of cancer
Pluridisciplinarité et méthodes pour la recherche en SHS dans le domaine du cancer)
Psycho-Oncologie 2024, 18(4), 367-375. https://doi.org/10.32604/po.2024.049544
Received 10 January 2024; Accepted 09 July 2024; Issue published 04 December 2024
Abstract
Arrière-plan: L’information sur la possibilité de rédiger des Directives Anticipées (DA) est une nécessité et représente un enjeu majeur sur les plans médical, éthique, légal. Les difficultés sont nombreuses, organisationnelles ou culturelles, et c’est aussi vrai dans l’univers de la cancérologie, où les DA (et plus largement les discussions anticipées) revêtent une importance cruciale. Sujet éminemment sensible, l’abord des DA (donc d’une réflexion sur la fin de vie) nécessite un travail d’acculturation à la fois sociétale et médico-soignante. Une démarche institutionnelle a donc été élaborée, dans l’objectif d’un déploiement d’outils d’information, de formation des professionnels, et de formalisation du recueil des DA. Une telle démarche ne peut se faire sans une évaluation non seulement de son résultat objectif, mais aussi et surtout de ses effets psychologiques, tant sur les usagers (patients, proches-aidants) que sur les professionnels. Méthodes: cette étude longitudinale reposant sur une méthode mixte et sur une perspective interdisciplinaire, évaluera les retentissements de cette diffusion de l’information sur les DA, qu’il s’agisse de potentielles retombées positives mais aussi d’éventuels impacts négatifs, selon des méthodes de mesure validées. Ainsi, cette étude suit les 5 critères du modèle RE-AIM destinés à analyser l’intérêt et l’impact d’un dispositif destiné à des usagers du système de santé ; nous utiliserons une méthodologie mixte, s’appuyant à la fois sur un volet quantitatif (décompte des personnes bénéficiant du dispositif, de celles demandant un accompagnement dans la rédaction des DA…, passation de questionnaires), mais aussi un volet qualitatif (focus groupes) qui permettra d’étudier le vécu subjectif des usagers, de leurs proches, et des professionnels impliqués dans le dispositif. Résultats: Les résultats de cette étude permettront de préciser les effets de ce dispositif d’accompagnement à la rédaction des DA, actuellement promu par le législateur, mais qui peinent à être mises en place.MOTS CLÉS
Keywords
Après la loi d’avril 2005 (dite loi Leonetti), la loi du 2 février 2016 (Claeys Leonetti) est venue renforcer les droits des malades et des personnes en fin de vie [1] : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées (DA) pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté ». Ces DA sont devenues en 2016 opposables, sauf urgence vitale ou si considérées inappropriées par les médecins prenant en charge le patient. Le référentiel HAS V2020 de certification des établissements de santé [2], lui, rappelle que « le patient est informé de façon adaptée sur son droit à rédiger ses directives anticipées […]. Lorsque le patient les a rédigées, celles-ci sont tracées dans le dossier. »
Les DA s’inscrivent dans une double logique d’anticipation et de reconnaissance de l’autonomie de la personne malade. L’anticipation est illustrée, en cancérologie, par les recommandations depuis de nombreuses années en faveur d’un accès précoce aux soins de support [3–5] ; parallèlement ont émergé les concepts de planification anticipée des soins (traduction de l’Advance Care Planning anglo-saxon), de définition des buts des soins (Goals of Care), d’aide décisionnelle médicale en cas d’aggravation [6], enfin, du côté des patients, de directives anticipées. Outre l’anticipation, ces dernières valorisent particulièrement l’autonomie du malade, qui exprime par écrit ses souhaits de recevoir, ou non, des thérapeutiques invasives dans le cas où sa santé s’aggraverait.
Mais les limites de leur mise en œuvre apparaissent en vie réelle. Du côté des usagers, le faible pourcentage de Français ayant rédigé leurs DA (au mieux 11 à 14% des plus de 50 ans [7]) témoigne soit de la difficulté à se projeter sur un état de santé futur et inconnu, soit de la complexité à envisager quel type de technique de réanimation serait acceptable, soit de l’insuffisance ou d’une certaine rigidité des formulaires disponibles (le papier libre restant une option fréquemment choisie). D’autres obstacles existent, comme l’ambivalence face à la mort, notamment dans l’imminence de sa survenue. Enfin, le tact dû à toute personne malade et/ou âgée ne saurait céder à l’injonction faite, lors de l’admission dans telle ou telle institution médico-sociale (hôpital, EHPAD, etc.), d’avoir « rempli ses DA ». Car la rédaction des directives anticipées est bien, et doit rester, un droit offert aux citoyens, malades ou non, et en aucun cas une obligation.
Pour les professionnels, a fortiori dans un hôpital de cancérologie où les malades viennent tous avec la volonté de guérir d’une maladie grave, le défi est de concilier cet espoir légitime et l’abord éminemment délicat de la fin de vie (synonyme le plus souvent d’échec thérapeutique). Si l’accès à des « discussions de fin de vie » (End-of-Life discussions) [8], ou encore l’abord des directives anticipées ne sont pas, en moyenne, associés à un surcroît d’anxiété ou de dépression [9], une telle approche est longtemps restée l’objet d’une réticence forte de la part des professionnels. En effet, même si en France une étude récente a montré que la grande majorité des soignants percevait l’utilité des DA et leur bénéfice pour l’accompagnement des patients, reste que beaucoup trouvent extrêmement complexe de les mettre en pratique [10]. La plupart des études investiguant les motifs de cette réticence ou plus largement de ces difficultés à initier les DA chez les professionnels sont nord-américaines [11]; à notre connaissance, seules deux études ont abordé cette question en France [12,13]. On peut conclure de l’ensemble de ces travaux que les soignants mettent en avant un manque de connaissance et ou de compétences pour aborder la question des DA avec les patients, ainsi qu’une peur de les heurter émotionnellement.
En 2022, a été mise en place dans notre Centre de Lutte Contre le Cancer une stratégie multimodale d’information des patients, qui d’une part repose sur une acculturation et une implication multi-professionnelle, d’autre part concilie efficacité de l’information donnée et respect éthique de la relation soigné-soignant. Cette stratégie a été élaborée par un groupe associant comité de patients et aidants, comité d’éthique, équipe mobile de soins palliatifs et unité de psycho-oncologie [14]. Elle a associé : 1, une démarche proactive de formation auprès des professionnels (soignants médicaux et paramédicaux, assistantes médicales, personnels administratifs, etc.), ré-insistant sur l’importance de l’anticipation palliative et informant du rôle de chacun, en pluridisciplinarité, dans la démarche d’information et de recueil des DA ; 2, la création de livrets d’information centrés sur « le patient acteur de ses choix » (dont personne de confiance et DA) ; 3, la création d’un nouveau formulaire de rédaction de DA priorisant la description des valeurs et préférences des patients, et en second lieu seulement d’éventuelles limitations d’intensité de traitement ; 4, une visibilité informatique de la présence ou non de DA avec accès automatique à celles-ci ; 5, une consultation d’aide à la rédaction de DA par plusieurs membres du groupe de travail (documents disponibles en annexes).
Mais une telle mise en place ne peut se faire sans une évaluation de ses résultats et de son appropriation en vie réelle, auprès des principaux acteurs. La présente étude, longitudinale et mixte, a donc pour but d’évaluer, outre l’implémentation effective du dispositif, le retentissement psychique (anxiété, dépression, stress, mais aussi satisfaction…) d’une telle approche, tant auprès des usagers que des professionnels. Une perspective interdisciplinaire, proposant une réflexion issue de la médecine et de la psychologie, nous permettra d’explorer les enjeux complexes liés à la question de l’expérience d’un type de dispositif s’inscrivant dans l’anticipation des soins palliatifs.
Les usagers participants de cette étude seront recrutés au sein d’un centre de lutte contre le cancer de région parisienne. Les critères d’inclusion sont les suivants : 1 / être majeur ; 2 / être suivi dans ce centre pour un diagnostic de cancer, en cours de traitement ou de surveillance (ou être le proche-aidant principal, tel que désigné par le patient) ; 3 / avoir une maîtrise suffisante de la langue française pour participer à l’étude. Les critères de non-inclusion sont : 1 / présence d’un trouble psychiatrique altérant le rapport à la réalité ; 2 / présence d’un trouble cognitif ou somatique rendant la participation difficile. Les patients seront recrutés systématiquement durant une semaine dans plusieurs services d’hospitalisation ainsi que de secteurs de consultation (oncologie médicale, chirurgie, radiothérapie). Les proches-aidants se verront proposer l’étude de la même façon, en leur précisant que sera spécifiquement investiguée leur expérience de proche-aidant vis-à-vis des DA. Le recrutement sera assurépar deux stagiaires psychologues supervisé.e.s par les chercheurs responsables de cette étude (une psychologue et un médecin). Les potentiels participants seront abordés par les stagiaires psychologues avec l’intervention suivante : « nous proposons à XXXX (nom de l’établissement) de désigner une personne de confiance et de remplir ses DA, éventuellement de bénéficier d’une aide à la rédaction de ses DA. Avez-vous répondu à cette proposition ? Ou souhaiteriez-vous le faire ? Voulez-vous participer à une étude à ce sujet ? ». Les participants se verront remettre une lettre d’information. S’ils ne se sont pas opposés à la participation à cette étude au bout de 15 jours, ils rempliront l’autoquestionnaire et nous leur proposerons de participer au volet qualitatif.
Les professionnels participants seront recrutés parmi les médecins, cadres, infirmiers, assistantes médicales et personnels administratifs, travaillant dans le centre depuis au moins six mois. L’enquête par questionnaire sera administrée par diffusion électronique (via la lettre interne de l’hôpital, les chefs de service et cadres de santé, les instances de direction générale et fonctionnelles), avec deux rappels sur une durée de 15 jours. Pour les focus groupes, nous proposerons à une quinzaine de professionnels de participer à deux sessions, par grands secteurs d’activité : médecine oncologique, chirurgie (selon comités d’organes), radiothérapie, urgences, réanimation, consultations, hôpital de jour. Les quinze premiers volontaires pour participer à ce volet qualitatif seront ainsi recrutés pour les focus groupes. Dans le but d’assurer une représentativité maximale de l’échantillon, une éventuelle défection sera palliée par un remplacement par un professionnel de profil similaire.
Ce projet longitudinal s’appuie sur une méthodologie mixte visant à évaluer l’efficacité d’un dispositif destiné aux usagers mis en place de manière systématique dans notre établissement depuis 18 mois ; ce dispositif est centré sur le droit, pour toute personne qui le souhaite, de faire une déclaration mentionnant ses souhaits concernant sa fin de vie. L’étude évaluant ce dispositif est construite selon le modèle RE-AIM (RE-AIM model [15,16]) qui propose une évaluation multidimensionnelle de l’impact d’une intervention dans le domaine de la santé. Ainsi, la portée de cette stratégie (reachness) sera évaluée via le décompte, la proportion et la représentativité des personnes souhaitant bénéficier de celle-ci. L’acceptation ou le refus de bénéficier de cette stratégie sera évaluée via l’acceptation de remplir des DA, que ce soit seul ou au cours d’une consultation d’aide à la rédaction ; l’efficacité (efficacy) sera quant à elle mesurée sur le plan quantitatif par la passation d’un questionnaire investiguant l’éventuel effet « effractant » (psychologiquement démobilisant/perturbant) de cette stratégie, mais aussi sur le plan qualitatif en proposant des entretiens de recherche aux usagers (patients et proches de patients) pour connaitre leur vécu de ce dispositif (Attentes ? Satisfaction ? Limites ?). L’adoption (adoption), mesure organisationnelle, sera évaluée par l’observation des professionnels impliqués dans l’accompagnement (mesures quantitatives investiguant la satisfaction/le stress des professionnels ; et étude qualitative recueillant leur avis vis-à-vis de la démarche) ; la mise en œuvre (implementation) sera mesurée sur le plan organisationnel en évaluant les coûts (humains et financiers) liés au dispositif. Enfin le maintien de cette stratégie (maintain) sera évalué en étudiant si ce dispositif s’institutionnalise et devient partie intégrante de la prise en charge des usagers deux ans après le début de sa mise en place. Les outils sont détaillés plus bas. Notons qu’un délai d’un mois a été choisi par l’équipe scientifique (en se basant sur l’expérience clinique des membres de l’équipe) pour considérer que la personne n’a pas écrit ses DA. Cette étude, par sa nature-même, va proposer une information au cours du processus de recrutement. Nous tenterons de gérer le risque d’interférence en recensant le nombre de participants « usagers » qui étaient déjà au courant du dispositif vs. le nombre de personnes que nous avons informées du dispositif via le recrutement pour l’étude.
Cette évaluation multidimensionnelle permettra aux instances décisionnelles, au niveau local, mais aussi nous l’espérons au niveau national, de prendre la mesure de l’impact tant au niveau individuel qu’organisationnel d’interventions co-créées avec des usagers du système de santé, garantissant ainsi leur pleine participation à la démocratie sanitaire.
VOLET QUANTITATIF (AUTO-QUESTIONNAIRES) évaluant l’efficacité du dispositif
Pour investiguer l’éventuel effet psychologiquement déstabilisant de la stratégie d’information et de recueil des DA chez les patients et leurs proches, nous utiliserons l’Impact of Event Scale-Revised (IES-R) [17], qui évalue le stress perçu consécutif à un événement difficile. Il s’agit d’un auto-questionnaire incluant 22 difficultés que les personnes sont susceptibles de rencontrer face à un événement particulièrement stressant (Annexe A1). Il est possible de préciser dans la consigne la nature de l’événement ; nous indiquerons donc ici « depuis que vous avez été informé de la stratégie concernant les DA ». Largement utilisé dans la littérature internationale, l’IES-R a été traduit et validé en français [18]. Un score total ≥36 suggère la présence d’une symptomatologie d’allure traumatique cliniquement significative. La passation est d’environ 5 minutes. Ce questionnaire sera rempli par les participants, à leur domicile, au moins 15 jours après le contact initial avec les stagiaires psychologues en charge du recrutement.
Parallèlement, les professionnels de l’institution se verront remettre un questionnaire en 10 points, élaboré par l’équipe de recherche d’après les données issues de la littérature (Annexe A2), dont l’analyse sera faite selon la spécificité-métier des répondants. Ce questionnaire a été établi sur la base des échanges et commentaires recueillis lors de la démarche de formation interne à l’établissement, citée en début d’article, et réalisée en 2022. A l’issue d’un total de 35 séances regroupant quelque 400 professionnels, les verbatim de ces derniers ont fait émerger des questions-clés récurrentes, tant comme leviers que comme freins, recueillies et retranscrites dans le questionnaire. La mise en place avec soutien institutionnel de l’étude visera un recueil supérieur à 65% des sondés. Afin d’évaluer plus finement l’expérience professionnelle de ces derniers, nous proposerons leur proposerons, dans un deuxième temps, la passation du Questionnaire de Karasek [19], auto-questionnaire investiguant la « demande psychologique » liée à la charge de travail, la latitude décisionnelle des professionnels, et enfin le soutien social existant dans la sphère professionnelle. Le modèle Job Demand-Control-Support (JDCS) de Karasek est issu de la psychologie sociale et constitue un socle théorique largement utilisé pour explorer l’expérience professionnelle des soignant. Traduit et validé en français [20], ce questionnaire est de passation rapide (env. 10–15 min) et permet d’explorer de manière fine le stress et l’expérience des professionnels impliqués. La satisfaction au travail sera également étudiée au moyen de l’échelle à un item largement utilisée d’Aiken et al. [21], allant de 1 (très insatisfait) à 4 (très satisfait). Cet outil a été utilisé pour évaluer la satisfaction au travail dans des études antérieures [21,22] (Annexe A3). Cet autoquestionnaire servira de mesure de base pour connaître leur expérience professionnelle, indépendamment de leur participation au dispositif. Leur expérience de celui-ci sera investiguée qualitativement via des focus groupes et via le questionnaire en 10 points mentionné plus haut.
VOLET QUALITATIF (via FOCUS-GROUPES) évaluant l’efficacité du dispositif
Compte-tenu de la procédure, un mois environ se sera écoulé entre l’information initiale concernant l’étude et la participation aux focus groupes. Seront investiguées lors des focus groupes auprès d’une part des patients, d’autre part des proches, leurs représentations de l’intérêt et inconvénients de l’accompagnement auquel ils participent et leur satisfaction globale par rapport à celui-ci. Chez les proches, nous investigueront leur expérience d’accompagnement des patients face à ce dispositif : qu’en pensent-ils ? Que ressentent-ils lorsque le patient rédige (ou refuse de rédiger) des DA ? Pour répondre à cet objectif, nous effectuerons une étude qualitative exploratoire, en organisant 2 focus groupes rassemblant des patients, et 2 focus groupes incluant des proches, afin d’élaborer une modélisation riche et complexe concernant leurs représentations de la stratégie d’information et de recueil des DA. Les focus-groupes sont particulièrement intéressants pour recueillir des éléments narratifs, des opinions, des récits d’expériences, les croyances ou les normes perçues à propos d’un phénomène, ici l’accompagnement. Le savoir expérientiel des usagers sera ainsi au cœur de ce volet qualitatif [23]. Les groupes (patients et proches) seront menés avec un maximum de 10 participants afin de permettre une contribution suffisante de toutes les personnes interrogées. Ce nombre de participants permettra d’atteindre une saturation thématique lors des analyses qualitatives [24]. Nous chercherons à inclure des personnes qui ont souhaité bénéficier de cette stratégie et d’autres qui n’ont pas eu ce souhait, afin de maximiser la diversité des points de vue. De même nous tenterons de recruter des participants venant de différentes régions (urbaines vs. rurales), aux niveaux socio-économiques différents, d’âges divers, afin de là encore augmenter la variabilité des positionnements. Des données sociodémographiques seront recueillies, ainsi que des données simples concernant leur pathologie ou celle du proche, le type et l’ancienneté de celle-ci, et des données reflétant la gravité de la maladie et l’état général.
D’autre part, nous chercherons à recueillir l’expérience subjective des professionnels impliqués dans cette stratégie d’information et d’accompagnement afin de mieux connaitre l’impact de cette démarche sur leurs pratiques quotidiennes et sur leur vécu. Les critères d’inclusion ont été précisés plus haut.
Conformément aux recommandations de la littérature spécialisée, les sessions des focus-groupes seront animées par un professionnel (ici un psychologue chercheur), mais tous les sujets, ou questions ne seront pas préétablis et émergeront du discours des participants. Les entretiens ne dureront pas plus de 90 min et seront audio-enregistrés, pseudonymisés et retranscrits. Les sujets potentiels pouvant être évoqués au cours des focus-groupes sont : perceptions, attentes et croyances relatives à l’accompagnement et avis sur celui-ci une fois mis en place (décalages éventuels, attentes déçues, découvertes inattendues…), bénéfices et inconvénients, barrière à sa mise en place….
Analyse par questionnaire : nombre previsible de patients et aidants
Sur la base du nombre d’admissions en 2022, le nombre de malades admis de façon hebdomadaire est environ de : 300 +/– 20 en hospitalisation conventionnelle ; 2000 +/– 100 en HDJ ; 1000 +/– 100 en radiothérapie (admissions multiples) ; 2000 +/– 300 en consultation. Le nombre de patients auxquels l’évaluation sera proposée sera nécessairement moindre, et il est tenu compte d’un taux d’attrition de 60 à 70% dans le retour des réponses. Un nombre de 100 à 200 patients par secteur (hospitalisation conventionnelle, HDJ, radiothérapie, consultation) a donc été retenu, soit au moins 400 participants pour le volet patient. Ce nombre permettra une puissance statistique suffisante pour les analyses quantitatives.
Le nombre d’aidants sollicité se situera entre 20% et 40% du nombre de patients, soit au moins 160 proches-aidants.
Analyses des donnes quantitatives
Les données quantitatives seront analysées de manière descriptive (nombre, fréquence, calcul du ratio…). Des comparaisons intergroupes (de type tests-t) pourront être effectuées pour mettre en évidence d’éventuelles différences au niveau de l’impact psychologique mesuré par l’IES-R en fonction de certaines variables socio-démographiques (par exemple en fonction du sexe, de l’âge…), cliniques et médicales.
Analyse des donnees qualitatives
Nous mènerons une analyse thématique pour identifier les thèmes à partir des transcriptions des focus groupes [25,26]. L’analyse se déploiera en 2 étapes : 1/Création d'un livre de codes basé sur la lecture initiale des retranscriptions des focus groupes ; 2/Analyse de contenu thématique avec QDAMiner, un logiciel de gestion de données, pour coder et créer des réseaux de relations conceptuelles dans des données textuelles codées taxonomiquement. Deux codeurs analyseront les transcriptions sur QDAMiner de manière indépendante afin de maximiser la rigueur scientifique de l’analyse.
Aspects Ethiques et Reglementaires
Outre une vigilance relative aux exigences éthiques et déontologiques courantes (anonymisation, confidentialité, sécurisation des données…), nous porterons une attention particulière à toute expression de détresse psychologique ou de malaise durant cette étude, et notamment pendant ou après les groupes ; les participants pourront être adressés à des professionnels du soin psychique travaillant au sein de Gustave Roussy. L’étude sera soumise à la Commission Scientifique des Essais Thérapeutiques de Gustave Roussy, en vue de constitution d’un dossier de soumission, le cas échéant, à un Comité de Protection des Personnes.
La nécessité d’une anticipation des parcours de soin, incluant celle d’une éventuelle aggravation, est identifiée depuis de nombreuses années, rappelée et soulignée dans la future Stratégie Décennale des soins palliatifs [27] : « Dans dix ans, toutes les personnes affectées par une pathologie à un haut degré de prévisibilité […] se verront proposer d’exprimer dans un plan personnalisé de soins d’accompagnement et lors de discussions accompagnées leurs besoins de soins […]. Elles pourront si elles le souhaitent renseigner ou mettre à jour à cette occasion leurs directives anticipées. » Notre stratégie, et son évaluation, entrent bien dans le cadre de cette volonté, réappropriée tant par les usagers que par les professionnels, de promouvoir non seulement des outils mais surtout une culture collective d’anticipation.
Remerciements/Acknowledgment: The authors thank research participants for their participation in this study.
Financements/Funding Statement: The authors received no specific funding for this study.
Contributions des auteurs/Author Contributions: Léonor Fasse and François Blot participated in the writing and review of the manuscript. All authors reviewed the results and approved the final version of the manuscript.
Disponibilité des données et du matériel/Availability of Data and Materials: The data will be provided upon request to the corresponding author.
Avis éthiques/Ethics Approval: Not applicable.
Conflits d’intérêt/Conflicts of Interest: The authors declare that they have no conflicts of interest to report regarding the present study.
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ANNEXE A1. Impact of Event Scale-Revised (I.E.S.-R)
Nous voudrions connaitre l’impact qu’a peut-être représenté pour vous la réflexion à propos des directives anticipées (DA). Voici une liste de difficultés que les gens éprouvent parfois à la suite d’un événement stressant.
Veuillez lire chaque item et indiquer à quel point vous avez été stressé par chacune de ces difficultés, en lien avec la réflexion à propos des DA au cours des 7 derniers jours.
ANNEXE A2. Questionnaire simplifié destiné aux professionnels de santé.
Echellechoisie,de 0 à5 (pour faire nombre pair et éviter réponse médiane), p.ex. ?
Voici quelques énoncés à propos de vos perceptions et attitudes vis-à-vis de la prise en charge des patients. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Essayez de répondre le plus authentiquement possible.
CE QUE VOUS SAVEZ :
Q.0. Pouvez-vous classer de 4 (le plus prioritaire) à 1 (le moins prioritaire) le poids des voix suivantes dans les décisions médicales ?
A. La personne de confiance = … / B. Le malade lui-même (s’il est conscient) = … / C. Un proche-aidant= … / D. La directive anticipée du malade ? = …
CE QUE VOUS FAITES :
Q.1. Parlez-vous de directives anticipées lors de l’entrée dans la maladie ?
De 0 (pas du tout, jamais) à 5 (toujours) : …
Q.2. Parlez-vous de directives anticipées lors d’une rechute / évolution de la maladie ?
De 0 (pas du tout, jamais) à 5 (toujours) : …
Q.3. Parlez-vous de directives anticipées lors d’une évolution terminale de la maladie ?
De 0 (pas du tout, jamais) à 5 (toujours) : …
CE QUE VOUS ESTIMEZ SOUHAITABLE EN PRATIQUE :
Q.4. Pensez-vousque les directives anticipées doivent être évoquées lors de (ou peu après) l’entrée dans la maladie ?
De 0 (non, jamais) à 5 (oui, toujours) : …
Q.5. Pensez-vousque les directives anticipées doivent être évoquées lors d’une récidive ou d’une résistance au traitement de la maladie ?
De 0 (non, jamais) à 5 (oui, toujours) : …
Q.6. Pensez-vousque les directives anticipées doivent être évoquées lors d’une évolution terminale de la maladie ?
De 0 (non, jamais) à 5 (oui, toujours) : …
Q.7. Pensez-vousque les directives anticipées devraient être rédigées bien en amont d’une survenue de maladie grave ou chronique ?
De 0 (non, jamais) à 5 (oui, toujours) : …
A quelle(s) occasion(s)/avec qui ? (en clair) : ………………………………………………………………… …………………………………
Q.8. Pensez-vousque les directives anticipées sont un bon outil (adapté, utile, …) pour prendre en charge un malade de cancérologie ?
De 0 (non, pas du tout) à 5 (oui, parfaitement) : …
En quoi/pourquoi ? (en clair) : ………………………………………………………………………………………………………………………………
VOTRE OPINION SUR LES LEVIERS ET FREINS POUR LES DIRECTIVES ANTICIPEES :
Q.9. Pensez-vous que le frein à la diffusion et l’usage des directives anticipées en cancérologie vient de (Notez chacune des réponses possibles de 0 [non, pas du tout] à 5 [oui, tout à fait]) :
Une connaissance insuffisante des usagers par manque d’information publique, citoyenne : …
Une connaissance insuffisante des professionnels de santé de leurs vertus et limites et de leur utilisation : …
Des formulaires de directives anticipées inadaptés, trop complexes, techniques : …
Des formulaires qui devraient insister sur les valeurs du patient, plus que ce qu’il ne veut pas : …
Il faudrait informer sur les directives anticipées dès la préadmission informatique : …
Une crainte de la part des patients et proches d’envisager la fin de vie, l’échec, le pire : …
Les difficultés par les patients et proches de comprendre et actionner des informations très techniques : …
Les difficultés par les patients et proches d’accepter l’existence de l’incertitude en médecine : …
Les émotions ressenties par les patients et proches dans le contexte du cancer (annonce/rechute/etc.) : …
Une crainte de la part des professionnels d’envisager la fin de vie, l’échec thérapeutique, le pire : …
Une crainte des professionnels de casser l’espoir et la capacité du patient à lutter contre le cancer : …
Un manque de temps pour les professionnels : …
Les difficultés par les patients et professionnels l’existence de l’incertitude en médecine : …
Les émotions ressenties par professionnels eux-mêmes en cancérologie (annonce/rechute/etc.) : …
VOTRE OPINION SUR LESMEILLEURES MODALITESDE L’ANTICIPATION :
Q.10. Pensez-vousque (plusieurs réponses possibles, notées chacune de 0 (non pas du tout) à 5 (oui tout à fait) :
Les directives anticipées sont en pratique d’une aide bien inférieure à la personne de confiance : …
Les directives anticipées écrites seraient avantageusement remplacées par des discussions anticipées : …
Les indicateurs de certification HAS sont de bons moyens de promouvoir l’usage des directives anticipées : …
Prendre du temps pour directives ou discussions anticipées en gagnerait ensuite via une réduction de l’obstination déraisonnable : …
En clair, en quelques mots, vos commentaires sur l’anticipation en général, les directives en particulier :
…………………………..
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