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EDITORIAL

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Favoriser la démocratie en santé

Promoting Health Democracy

by Sabine Dutheil1, Marie-Frédérique Bacqué2, Kristopher Lamore3,*

1 Clinique Tivoli, LISA, L’Institut du Sein d’Aquitaine, Bordeaux, 33300, France
2 UR3071, Université de Strasbourg, Strasbourg, 67000, France
3 UniversityLille, CNRS, UMR 9193—SCALab—Sciences Cognitives et Affectives, Lille, F-59000, France

* Corresponding Author: Kristopher Lamore. Email: email

(This article belongs to the Special Issue: Promoting Health Democracy in Oncology
Promouvoir la démocratie sanitaire en oncologie
)

Psycho-Oncologie 2024, 18(1), 5-7. https://doi.org/10.32604/po.2024.050924

Abstract

This article has no abstract.

Introduction

L’histoire de la démocratie sanitaire - devenue par un glissement sémantique la démocratie en santé - est un long processus encore et toujours en marche de la relation entre les citoyens et leur système de santé [1,2]. Cette relation a été et continue d’être influencée par des changements sociétaux majeurs au cours des dernières décennies.

Si dès la fin du XIX siècle, « les malades » (de la tuberculose) revendiquent une place de citoyen à part entière, en s’organisant politiquement pour porter des revendications et améliorer leurs conditions de vie [2], c’est avec la loi Kouchner du 4 mars 2002 que la notion de « démocratie sanitaire » est introduite en France alors que dès les années 1990 des réformes de la santé, visant à impliquer les citoyens dans les décisions relatives à leur santé et à l’organisation des services de santé, ont vu le jour [1,2]. La démocratie sanitaire concerne la participation citoyenne aux politiques de santé. Il s’agit désormais de respecter les droits individuels (être acteur de sa santé) et les droits collectifs (être acteur de la santé) des usagers du système de santé [1]. En France, ce sont les ARS (Agence Régionale de Santé) qui ont en charge la démocratie sanitaire : « C’est une démarche qui vise à associer l’ensemble des acteurs du système de santé dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation » [3].

Quels sont ces acteurs de la démocratie en santé ?

Les définir est probablement indispensable. Parmi eux, apparaissent/émergent les patients (et leurs proches) dotés de savoirs d’expérience qu’ils peuvent mettre au service du système de santé, des autres – patients et professionnels de santé – dans une démarche de partenariat. « Il est attendu qu’ils soient des agents de changements, des ressources pour l’innovation et la transformation du système de santé » [4]. Il s’agit donc de faire, non plus seulement pour les patients, mais avec les patients dans la lignée du Montréal Model [5], pour améliorer l’organisation, la qualité, la pertinence et la sécurité des soins et la qualité de vie de chaque personne en lien avec le système de santé.

Le Montréal model [5] s’appuie sur les savoirs expérientiels des patients définis comme les « savoirs du patient, issus du vécu de ses problèmes de santé ou psychosociaux, de son expérience et de sa connaissance de la trajectoire de soins et services, ainsi que des répercussions de ces problèmes sur sa vie personnelle et celle de ses proches » [6]. Pour illustrer ce cadre théorique du Montréal model, nous pouvons citer la création de comités de patients et de proches au sein des hôpitaux et centres de lutte contre le cancer. La création de ces comités, composés de patients, de proches et de professionnels de santé, permet de discuter ensemble sur des questions relatives aux soins de santé offerts dans la structure, à l’organisation de ceux-ci, à l’évaluation de la qualité des services ou aux recommandations pour améliorer l’expérience des patients et des proches. En impliquant les patients de manière significative dans les prises de décisions, cela peut contribuer à renforcer la qualité, la pertinence et l’acceptabilité des services de santé, tout en favorisant une approche plus collaborative et équitable de la prestation des soins de santé.

Encapacitation ? Empowerment ? Pouvoir d’agir ?

D’autres lois suivront en France (loi HPST de 2009, loi de modernisation de 2016) au sein desquelles le rôle des patients, leur formation et leur représentation seront définis. En matière de cancérologie, le 3e Plan Cancer (2014–2019) puis la Stratégie décennale de lutte contre les cancers (2020–2030) « s’inscrit dans une démarche participative ». Il s’agit « d’associer l’ensemble des acteurs du système de santé à son élaboration puis sa mise en œuvre » [7].

Qu’en est-il de la participation des patients et des proches dans le système de santé depuis ces lois, mises en place entre 2002 et 2016 et précisément dans le champ de la cancérologie ?

Si leur implication semble représenter un levier de la démocratie en santé, comment penser/faire avec ces nouvelles figures actrices de leur santé et de la santé ?

Enfin, quelle action politique est-elle possible pour nos démocraties sanitaires, quand un État souhaite annuler des mesures écologiques comme la diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires pour céder à la pression de l’agro-industrie ?

En 2016, le numéro de Psycho-Oncologie consacré aux risques environnementaux en association avec le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer de Lyon) avait déjà mis en exergue les contradictions des gouvernements qui soutiennent les politiques de production industrielle au détriment des citoyens qui en subissent les effets cancérogènes [8]. Les actions citoyennes et démocratiques pourraient bientôt être mieux armées pour désigner les contradictions des systèmes économiques actuels au risque de la santé du plus grand nombre.

Ce sont des questions que se posent certains patients, cliniciens en oncologie et chercheurs en psycho-oncologie. Ce numéro a donc pour objectif de proposer un état de l’avancée des travaux sur la démocratie en santé. Quatre articles dans cette thématique sont proposés aux lecteurs, suivis par quatre articles dans des domaines variés qui viennent compléter ce numéro.

Dossier thématique : La démocratie en santé

La diplomation de patient.es partenaires en oncologie

Différentes formations au partenariat en santé existent depuis quelques années en France, au Canada, Suisse ou dans d’autres pays. Dans ce premier article, Pereira Paulo et ses collègues discutent de l’évolution et des défis rencontrés au sujet de la diplomation des patients. Bien que diverses lois sur les droits des patients et la qualité du système de santé facilitent l’intégration des patients, les institutions ne sont souvent pas prêtes à faire face à ce nouveau domaine de pratiques. La diplomation des patients nécessite des changements dans les modes d’accueil et de financement des universités, ainsi que dans les méthodes pédagogiques adaptées à la formation de personnes en situation de vulnérabilité. Cet article rapporte l’exemple, l’histoire et les impacts de la création en France du premier diplôme en cancérologie destiné aux patients partenaires, et conclut en soulignant la nécessité de mécanismes concrets de reconnaissance sociale de l’engagement des utilisateurs dans le système de santé.

Une implication possible dans la recherche

Dans le second article, Biaudet et ses collègues (chercheurs et patients-partenaires) se sont centrés sur l’implication dans la recherche des patients partenaires. L’article retrace la création du groupe de travail “ECLAIR” du Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA), à la fin de l’année 2020, les échanges et modalités de ce groupe de travail. Ce groupe avait pour but de contribuer à la conception d’un appel à projets axé sur l’expérience des patients en cancérologie. L’expérience de création et de lancement de deux appels à projets est ainsi rapportée dans cet article. Le partenariat était une condition préalable à l’éligibilité des candidatures. Les patients partenaires procédaient également à la sélection des projets après une évaluation scientifique indépendante.

La perception des soignants sur la pair-aidance

Depuis plusieurs années, des interventions de pair-aidance émergent. Celles-ci visent à proposer un accompagnement ou un soutien par une personne ayant une expérience de vie et de rétablissement concernant la même pathologie ou maladie. Au regard de la méconnaissance de ces nouvelles interventions et des possibles freins à leur implémentation, Paillard-Brunet et Couillet ont réalisé une étude qualitative dont l’objectif était de recueillir les attentes et les réserves des professionnels travaillant dans un Centre de Lutte Contre le Cancer à l’égard des interventions de pair-aidance. Ce troisième article présente les résultats des entretiens réalisés auprès de 12 professionnels. Trois principales attentes ont été soulevées : (1) la nécessité d’un accompagnement plus solidaire des patients, (2) le besoin de surmonter le sentiment d’isolement face à la maladie et (3) l’objectif d’enrichir le réseau de soins. Plusieurs réticences ont également été identifiées, telles que les implications psychologiques de cette intervention et les entraves institutionnelles à la mise en œuvre des interventions de pair-aidance. Cette étude souligne ainsi différents points de vigilance à considérer afin de pouvoir implémenter de tels dispositifs de manière optimale.

Démocratie en santé et narration

Enfin, le quatrième article du dossier thématique, écrit par Rossi et ses collègues, s’intéresse à comment la narration est mobilisée en lien avec la démocratie en santé. La narration peut être comprise comme l’acte de raconter, de produire un récit. Dans cette revue de la littérature, six articles publiés entre 2015 et 2022 ont été retenus pour l’utilisation de la narration. Cet article explique comment la narration peut contribuer à promouvoir et à concrétiser la démocratie en santé, constituant un complément aux approches plus « classiques » pour comprendre l’expérience des utilisateurs du système de santé.

En complément

Ce dossier thématique sur la démocratie en santé est également complété par quatre dernières publications menées sur un autre axe de recherche.

Un premier article de Vigneron et Gosset Grainville décrit la place des psychologues au sein d’un service d’onco-hématologie pédiatrique. L’accent est mis sur la créativité dans le travail clinique et l’ajustement à la temporalité médicale. De plus, cet article propose d’explorer la construction de l’identité professionnelle en relation avec l’établissement d’une alliance thérapeutique avec les patients. Deux cas cliniques permettent d’illustrer leurs propos, mettant en évidence l’approche centrée sur le rapport à la finitude.

Un second article de Clara et ses collaborateurs s’intéresse à la fatigue ressentie par les patients atteints de cancer et aux facteurs de risque psychobiologiques qui y sont associés. Au total, 389 participants ont été interrogés. Cette étude met en exergue que la fatigue (liée au cancer) peut être caractérisée par une endurance réduite et une faiblesse musculaire. Une association existe d’ailleurs entre la détresse psychologique, la somnolence diurne et la fatigue liée au cancer. Cette étude vient souligner l’importance de développer des études sur la fatigue en oncologie.

Un troisième article de Njopvoui et ses collègues apporte un regard culturel sur le dépistage du cancer du sein au Cameroun. Il est essentiel de s’intéresser aux perceptions et aux pratiques individuelles dans différents contextes culturels. Les auteurs rapportent les connaissances générales sur le cancer du sein (facteurs de risque et moyens de prévention), le niveau de perception de la menace du cancer du sein, ainsi que la prévalence de l’autopalpation du sein chez les 517 femmes interrogées. Le résultat principal est que les femmes percevant davantage la dangerosité du cancer du sein et se sentant vulnérables, même avec un faible niveau de connaissance sur cette maladie, sont susceptibles de pratiquer l’autopalpation. De même, celles ayant des connaissances élevées ou une meilleure compréhension de la maladie sont également susceptibles de le faire. Agir sur les connaissances n’apparaît donc pas comme étant l’élément central, sauf si cela a un impact sur la perception de la dangerosité du cancer du sein.

Enfin, le dernier article explore la relation entre le soutien social et la santé mentale des patients atteints de cancer en Chine. Zhu a ainsi réalisé une étude en utilisant des données de la base de données « China Health and Retirement Longitudinal Study » (CHARLS) de 2018. Les résultats obtenus ont confirmé l’importance des mécanismes de soutien social, tant formels qu’informels, pour améliorer la santé mentale des patients atteints de cancer. Par conséquent, les auteurs recommandent de faire évoluer les pratiques en Chine afin de s’appuyer sur l’apport du soutien social pour améliorer la santé mentale la qualité de vie globale des patients.

En complément

Ce numéro sur la démocratie en santé est le premier dans la revue Psycho-Oncologie. Il s’inscrit en continuité avec les différents événements réalisés sur le sujet dans les pays francophones, et notamment organisés en décembre 2023 par la Société Française et Francophone de Psycho-Oncologie. Parmi les défis futurs de la démocratie en santé, nous pouvons retrouver : la formation, la professionnalisation, l’équité d’accès et le développement de la paire-aidance, la participation citoyenne accrue et le développement de collaborations avec des patients et des proches dans le monde de la recherche.

Remerciements/Acknowledgement: Les auteurs remercient les auteurs des articles inclus dans ce numéro.

Financements/Funding Statement: Les auteurs n’ont reçu aucun financement spécifique pour cet éditorial.

Contributions des auteurs/Author Contributions: Les auteurs confirment la contribution suivante à ce manuscrit : SD et KL ont rédigé la première version du manuscrit ; MFB a relu et complété le manuscrit ; le manuscrit final a été approuvé par tous les auteurs.

Disponibilité des données et du matériel/Availability of Data and Materials: Non concerné.

Avis éthiques/Ethics Approval: Non concerné.

Conflits d’intérêt/Conflicts of Interest: Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec ce manuscrit.

References

1. Ministère du travail, de la santé et des solidarités. La démocratie en santé. Available from: https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/la-democratie-en-sante/article/la-democratie-en-sante. [Accessed 2024]. [Google Scholar]

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5. Pomey MP, Flora L, Karavizan P, Dumez V, Lebel P, Vanier MC, et al. Le « Montreal model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé. Santé Publique. 2015;1:41–50. doi:10.3917/spub.150.0041 [Google Scholar] [CrossRef]

6. Comité sur les pratiques collaboratives et la formation interprofessionnelle – Université de Montréal. Guide d’implantation du partenariat de soins et de services. Vers une pratique collaborative optimale entre intervenants et avec le patient. Available from: https://medfam.umontreal.ca/wp-content/uploads/sites/16/2018/05/Guide-implantation_Partenariat-de-soins-et-de-services_2013.pdf. [Accessed 2024]. [Google Scholar]

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Cite This Article

APA Style
Dutheil, S., Bacqué, M., Lamore, K. (2024). Favoriser la démocratie en santé. Psycho-Oncologie, 18(1), 5-7. https://doi.org/10.32604/po.2024.050924
Vancouver Style
Dutheil S, Bacqué M, Lamore K. Favoriser la démocratie en santé. Psycho-Oncologie. 2024;18(1):5-7 https://doi.org/10.32604/po.2024.050924
IEEE Style
S. Dutheil, M. Bacqué, and K. Lamore, “Favoriser la démocratie en santé,” Psycho-Oncologie, vol. 18, no. 1, pp. 5-7, 2024. https://doi.org/10.32604/po.2024.050924


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