Open Access
EDITORIAL
Démystifier l’hypnose et démontrer son implantation en Clinique d’oncologie
Demystifying Hypnosis, Demonstrating Its Use in Oncology Clinics
1
Département d’anesthésiologie et Médecine de la Douleur, Université de Montréal, Montreal, H3T 1J4, Canada
2
Université de Nîmes, Laboratoire APSY-V, Nîmes, 30000, France
* Corresponding Author: David Ogez. Email:
(This article belongs to the Special Issue: Medical Hypnosis in Cancer Care Pathways
L’hypnose médicale dans le parcours de soin en oncologie)
Psycho-Oncologie 2023, 17(4), 211-213. https://doi.org/10.32604/po.2023.043983
Received 18 July 2023; Accepted 25 August 2023; Issue published 28 December 2023
Abstract
This article has no abstract.L’Association Américaine de Psychologie définit l’hypnose comme étant un état de conscience qui induit une absorption de l’attention et une diminution de la conscience caractérisée par une plus grande capacité à répondre aux suggestions [1].
Alors que nous retrouvons des descriptions très anciennes de l’état hypnotique (p.ex en Egypte antique), et ce dans toutes les cultures [2], l’hypnose ne s’est développée dans le milieu médical que depuis le 18ème siècle. Elle a notamment été utilisée à des fins sédatives, analgésiques et anesthésiques pour accompagner des chirurgies (i.e., hypnosédation), ou encore pour traiter les maux émotionnels tels que les angoisses (i.e., hypnothérapie). Parmi les fondateurs de cette pratique nous pouvons citer Franz-Anton Mesmer, un médecin allemand, James Braid, un chirurgien anglais, Jean-Martin Charcot, un neurologue français, le psychiatre américain Milton Erickson ou encore Ambroise Auguste Liébault un médecin français soutenant l’approche psychothérapeutique de l’hypnose [3].
Si l’hypnose a permis à la médecine et à la psychothérapie de se développer à la fin du 19ème siècle, elle a ensuite connu une baisse d’intérêt. En médecine, elle a été éclipsée par la découverte de l’éther, qui a progressivement été utilisé pour les anesthésies [4]. En psychologie, l’avènement des approches psychothérapeutiques inspirées des théories béhavioristes et des sciences cognitives basées sur des données probantes, a lui aussi réduit l’influence de l’hypnose dans le domaine de la santé mentale. En revanche, ce retrait de la scène médicale, n’a pas contraint son développement dans les salles de spectacles. Elle souffre alors d’un amalgame fort avec la magie et devient synonyme d’une prise de contrôle sur les individus, entrainant progressivement un impact délétère sur ce qu’elle est vraiment : un soin de santé. Si certains la décrivent comme une pratique contrôlée et légitime en médecine, encore beaucoup de personnes la jugent menaçante, fantastique voire non universelle [5].
Depuis les années 1990, nous sommes témoins d’un retour en force de l’hypnose dans le champ médical [6]. En cause, l’avènement des Médecines Complémentaires et Alternatives (MCA). Par exemple, en France, le conseil national de l’ordre des médecins déclarait que 40% des français avait eu recours aux MCA en 2015, avec un taux supérieur chez les personnes souffrant de maladies chroniques [7,8]. Dans de nombreux domaines, des experts recommandent de réduire les médications des patients, en lien avec la surconsommation actuelle de ces dits médicaments et surtout de leurs effets néfastes à long terme [9]. Un fait évident concernant cette limite concerne la gestion de la douleur. La crise des opioïdes démontre bien les limites de la pharmacologie dans la gestion des douleurs [10].
Une utilisation de plus en plus marquée, couplée à des avancées en neurosciences ou en recherches cliniques redonnent alors un crédit à l’hypnose qui a souffert (et souffre encore) des représentations ou croyances négatives associées à son utilisation [11,12]. Parmi les chercheurs ayant étudié l’hypnose, notons des anesthésistes, des neuroscientifiques et des chercheurs fondamentaux tels que Marie-Élisabeth Faymonville en Belgique, Pierre Rainville au Canada, David Spiegel aux États-Unis qui ont mis en évidence l’activité cérébrale associée aux phénomènes hypnotiques, soutenant ainsi les effets analgésiques de l’hypnose, mais aussi les phénomènes d’absorption dans une expérience agréable voire encore d’automaticité, c’est-à-dire lorsque le corps réagit automatiquement en réponse aux suggestions [13–18]. D’autres chercheurs, comme Guy H. Montgomery, Elvira Lang, Mark P. Jensen ont montré aussi par des études cliniques, les niveaux d’efficacité de l’hypnose sur la douleur chirurgicale et chronique ou encore sur la gestion de l’anxiété [19–24]. À ce jour, nous notons plus de 15 000 articles scientifiques portant sur l’hypnose répertoriée sur PubMed.
L’hypnose est aussi très utilisée en oncologie, tant en médicine, en soins infirmier qu’en psychothérapie [25]. Les différentes techniques d’hypnose comme l’analgésie, la relaxation en hypnose, l’imagerie guidée permettent d’accompagner les patients lors de leurs traitements mais aussi dans la gestion de leurs émotions. Si l’hypnose est développée en clinique du cancer, elle a aussi été fortement étudiée. De nombreux chercheurs développent en recherche interventionnelle des stratégies pour accompagner les patients en hypnose à chaque étape de la maladie, pour réduire leur détresse et maintenir leur qualité de vie. Nous retrouvons notamment l’hypnose au moment de la chirurgie [19,20], lors des traitements pouvant entraîner nausées et vomissements [26], pour aider dans la peur de la récidive [27] ou encore en soins palliatifs [21].
Ce numéro spécial a pour objectif de souligner la scientificité de l’hypnose et son potentiel d’implémentation dans les services de psycho-oncologie. Deux articles thématiques seront proposés au lecteur, suivis par d’autres articles qui viendront compléter cette édition.
Démystifier l’hypnose et rappeler ses racines historiques
Le premier article rédigé par Daly Geagea et ses collaborateurs, de l’université de Queensland en Australie, a pour objectif de présenter les racines historiques de l’hypnose et d’apporter certaines nuances sur ce qu’elle est pour lutter contre les fausses croyances. Cette revue narrative présente de façon originale un aperçu historique de l’hypnose, en décrivant les grands auteurs qui lui ont permis de se développer. Elle va aussi mettre en évidence les différents mythes qui persistent à ce jour, en démontrant qu’ils sont non fondés, voire erronés, tout en s’appuyant sur les dernières recherches menées. Ce travail de synthèse est essentiel dans la pratique de l’hypnose. Elle apportera aux cliniciens un éclairage sur l’hypnose, cet outil constitué de faits scientifiques, et les aidera à défaire les mythes des patients et ainsi leur permettre de mieux adhérer à cette technique.
Pratique de l’hypnose en oncologie pédiatrique
Le second article rédigé par Jennifer Marini et ses collaborateurs, de l’université de Liège en Belgique, a pour objectif de dresser un portrait des pratiques d’hypnose en oncologie pédiatrique. Rédigé sous la forme de cas cliniques, il constitue une illustration pratique des techniques pouvant se révéler efficaces afin de soulager l’expérience du patient [5] voire de sa famille. Les auteurs présentent un éventail d’utilisation de l’hypnose à travers cinq vignettes cliniques d’enfants âgés entre 5 et 16 ans. Ces vignettes viennent illustrer divers champs d’application de l’hypnose : pour la phobie spécifique, pour l’anxiété procédurale, mais aussi pour la préparation aux traitements ou l’accompagnement en fin de vie. Ce travail minutieux va permettre au lecteur de suivre pas à pas les techniques hypnotiques effectuées. Les issues thérapeutiques seront aussi démontrées à un niveau clinique, encourageant les cliniciens à implémenter l’hypnose dans leurs services.
Contributions des auteurs/Author Contributions: Les auteurs confirment la contribution suivante à ce manuscrit : DO et LB ont rédigé le manuscrit.
Conflits d’intérêt/Conflicts of Interest: Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec ce manuscrit.
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