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ARTICLE
Proposer un accompagnement au sevrage tabagique aux patients atteints de cancer : le rôle des associations proposant des soins de support. Exemple de la Ligue Contre le Cancer Gironde
Offering Smoking Cessation Support to Cancer Patients: The Role of Associations Providing Supportive Care in Cancer. Example of the Ligue Contre le Cancer Gironde
1
Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bordeaux, INSERM, BPH, U1219, I-prev/PHARES, Equipe Labellisée Ligue Contre le
Cancer, CIC 1401, Bordeaux, F-33000, France
2
CHU de Bordeaux, Service de Prévention, Bordeaux, F-33000, France
3
Ligue Contre le Cancer Gironde, Bordeaux, F-33800, France
* Corresponding Author: Océane Phanatzis. Email:
Psycho-Oncologie 2023, 17(3), 133-145. https://doi.org/10.32604/po.2023.044916
Received 26 December 2022; Accepted 10 July 2023; Issue published 30 September 2023
RÉSUMÉ
Objectif : L’objectif de cet article est d’exposer les composantes interventionnelles et contextuelles d’un accompagnement au sevrage tabagique dans le cadre des soins oncologiques de support (SOS) délivrés par une association, qui soit viable en contexte français et efficace, et de décrire le processus de recherche partenariale dans lequel elles ont été élaborées. Méthodes : L’intervention a été développée à partir d’un ensemble de données recueillies lors d’une étude de viabilité à la mise en place d’une offre de sevrage tabagique au sein de la Ligue Contre le Cancer Gironde, une revue de la portée sur les interventions probantes et deux revues narratives respectivement sur les déterminants et les implications éthiques du sevrage tabagique en cancérologie. Résultats : Les résultats ont confirmé une réelle opportunité à l’organisation d’une offre de sevrage tabagique au sein de l’association étudiée en raison des freins surmontables, des leviers mobilisables et des lacunes existantes. Ils ont permis de modéliser une intervention adaptée au contexte de l’association étudiée, guidée par une démarche volontariste, pluridisciplinaire et centrée sur le bien-être des patients. Conclusion : Les associations délivrant des SOS peuvent initier et participer à la démarche de sevrage tabagique. Elles peuvent assurer un rôle pivot entre les acteurs de la cancérologie et de l’addictologie.Abstract
Aims: This article aims to explore the interventional and contextual components of smoking cessation support for cancer patients in the context of supportive care in cancer provided by an association, that is viable and effective in the French context, and to describe the partnership research process in which they were developed. Procedure: The intervention was developed from a dataset collected during a viability study for the development of a smoking cessation intervention carried out at the Ligue Contre le Cancer Gironde, a scoping review of evidence-based interventions and two narrative reviews on the determinants and ethical issues of smoking cessation in cancer. Results: The results confirmed a tangible opportunity to develop smoking cessation services within the relevant case because of the obstacles that can be overcome, the facilitators that can be mobilized, and the gaps existing in this field. In addition, they enabled the design of an intervention adapted to the context, guided by a voluntarist, multidisciplinary approach, and focused on patients’ well-being. Conclusion: The associations providing supportive care in cancer can initiate and participate in the process of smoking cessation. They can play a key role in mediating between oncology and addictology.MOTS CLÉS
Keywords
En France, d’après l’Institut National du Cancer, 22% des patients fument au moment de l’annonce du diagnostic de cancer [1]. Pourtant, la poursuite du tabagisme pendant le cancer entraîne des effets indésirables bien connus interagissant avec les traitements, le pronostic et la qualité de vie des patients [2].
Les recommandations nationales encouragent le développement d’une offre de sevrage tabagique dans le parcours de soins en cancérologie. La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021–2030 prévoit de renforcer la prévention et retient la lutte contre le tabagisme comme « priorité absolue » [3]. Le Programme National de Lutte contre le Tabac déclare que « l’accompagnement à l’arrêt du tabac doit constituer un élément à part entière du traitement d’un cancer » [4]. La Haute Autorité de Santé invite tous les professionnels de santé du parcours de soins à jouer un rôle dans l’aide au sevrage tabagique [5].
Cependant, même s’il existe des dispositifs spécialisés en cancérologie ou en addictologie sur le territoire, cette offre est peu courante dans les pratiques professionnelles [6,7]. Près de deux fumeurs sur trois continuent de fumer à distance du diagnostic [8,9] alors que la majorité exprime le besoin d’être accompagnée dans leur démarche de sevrage [9]. Ainsi, il est essentiel pour les soins de cancer de proposer une organisation qui mobilise tous les acteurs concernés et qui s’adapte à la diversité des contextes et des ressources (6).
Parmi l’offre de soins en cancérologie, les soins oncologiques de support (SOS) peuvent former un moyen de développer une offre de sevrage tabagique. Définis par la Multinational Association for Supportive Care in Cancer comme « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie conjointement aux traitements » [10], ils visent à répondre aux besoins survenant pendant et après la maladie, ainsi qu’à atténuer les symptômes liés au cancer ou à ses traitements [11].
Les structures délivrant des SOS sont des acteurs clés pour un accompagnement en santé de proximité. Souvent de nature associative, elles sont présentes à toutes les étapes du parcours de soins, gravitent autour de tous les professionnels et possèdent une bonne connaissance des patients, de leur vécu et de leurs besoins spécifiques, ce qui favorise la vision globale nécessaire face à la situation complexe des patients atteints de cancer. Ainsi, elles ont le potentiel de jouer un rôle pivot dans l’organisation d’une offre de sevrage tabagique [12,13].
Le territoire de Gironde compte différents dispositifs spécialisés en cancérologie ou en addictologie, mais à notre connaissance, il n’existe pas d’étude publiée sur le rôle des associations délivrant des SOS par rapport au sevrage tabagique. La Ligue Contre le Cancer (LCC) est une association qui mène des actions dans les champs de recherche, de prévention, de mobilisation de la société et d’amélioration de la qualité de vie des personnes malades, notamment grâce à son parcours de SOS qui intègre différents modes de prise en charge (présentiel, domicile, distanciel). Forte du constat des difficultés d’information mais aussi d’accessibilité aux professionnels formés à l’accompagnement au sevrage tabagique, la LCC Gironde a souhaité étudier l’opportunité de développer une offre de sevrage tabagique pour ses bénéficiaires. Elle a sollicité l’Unité Hospitalière d’Innovation en Prévention (UHIP) du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bordeaux. De ce partenariat est né le projet de recherche interventionnelle en santé des populations ASTaCan (Développer et évaluer l’organisation d’un Accompagnement au Sevrage Tabagique dans le cadre d’un parcours de soins de support de personnes atteintes de Cancer au sein de la Ligue Contre le Cancer) cherchant à répondre à la problématique suivante : comment développer l’accompagnement vers l’arrêt du tabagisme chez les personnes atteintes de cancer dans le cadre des SOS proposés par une association ?
Pour de telles innovations organisationnelles, l’UHIP a développé un processus de recherche partenariale pour proposer une intervention utile, routinisable, capable d’être mise à l’échelle, qui intègre les étapes suivantes : développement fondé sur la théorie, évaluation de la viabilité (capacité d’une intervention à réussir dans le monde réel, en termes d’acceptabilité, accessibilité, intégration dans les organisations…) [14,15] lors d’une étude pilote, évaluation des résultats, des mécanismes et conditions d’obtention de ces résultats, adaptation, puis généralisation de l’intervention.
Dans le cadre du projet ASTaCan, une intervention a été développée. De nature complexe, cette intervention constitue un « système interventionnel », dont la mise en œuvre et les résultats dépendent de l’interaction de leviers interventionnels avec des éléments de contexte [16–18]. Dans cette perspective, l’objectif du présent article est double ; il s’agit d’exposer les composantes interventionnelles et contextuelles d’une offre de sevrage tabagique dans le cadre des SOS proposés par une association, qui soit viable en contexte français et efficace, et de décrire le processus de recherche partenariale dans lequel elles ont été élaborées.
Un ensemble de données a été recueilli afin d’intégrer les savoirs scientifiques issus de la littérature aux savoirs contextuels et expérientiels [19–21]. Il s’agissait de mettre en synergie « les preuves existantes (ce que l’on estime qui peut marcher), l’expertise des acteurs pour les choisir et les appliquer (ce que les acteurs vont faire de ces preuves), et les caractéristiques de la population cible de l’intervention » [22] pour décrire une intervention adéquate aux besoins et au contexte de l’association (freins, leviers, composantes clés, implications éthiques...).
Les données contextuelles et expérientielles ont été collectées lors d’une étude de viabilité menée au sein de la LCC Gironde pour identifier les freins et les leviers à la mise en place d’une offre de sevrage tabagique dans le contexte de l’association étudiée. Les données d’activité de la LCC ont fait l’objet d’une étude documentaire, des entretiens semi-directifs et directifs ont été respectivement réalisés auprès de cinq patients fumeurs atteints de cancer, de onze professionnels de santé et de bien-être, et de trois salariés de la LCC recrutés au volontariat par l’intermédiaire de l’association. Ces données contextuelles et expérientielles ont été triangulées, puis synthétisées à l’aide du modèle socio-écologique [23].
Les données issues de la littérature ont été recueillies lors de trois revues :
• Une revue narrative sur les freins et les leviers à la démarche de sevrage tabagique en cancérologie a été réalisée pour renforcer l’analyse des freins et des leviers contextuels et expérientiels.
• Une revue narrative sur les implications éthiques du sevrage tabagique en cancérologie a été réalisée pour éclairer les enjeux éthiques à considérer dans la conception de l’intervention.
• Une revue de la portée sur les interventions probantes sur l’accompagnement au sevrage tabagique dans le cadre des SOS proposés par une association a été réalisée pour recenser les leviers interventionnels clés au fonctionnement de l’intervention.
L’ensemble de ces données a été triangulé pour déterminer les objectifs de l’intervention, les populations ciblées, les effets escomptés, les activités et le cadre de l’intervention, que l’on regroupe sous le terme « logique d’intervention ». Des échanges ont eu lieu au sein de l’équipe de recherche pour discuter et sélectionner ces éléments. Destinée à proposer une organisation territoriale de sevrage tabagique, la logique d’intervention a été modélisée grâce à un cadre théorique construit à partir des modèles organisationnels de soins de Senn et al. [24], de Colombani et al. [25] et de Krist et al. [26] (Fig. 1, Annexe I).
La méthodologie s’est inspirée des démarches de participation, de collaboration et de co-construction. Cette approche favorise la prise en compte des savoirs expérientiels des professionnels de la LCC pour adapter dès le départ l’intervention au contexte local, accroître son acceptabilité, sa pertinence, son application et sa durabilité [27]. La LCC a été impliquée à différents degrés selon les étapes du projet de recherche. Tout au long du projet, des échanges sur l’avancée du projet et les résultats obtenus ont eu lieu. Lors de l’étude de viabilité, la LCC a notamment adopté un rôle d’approbateur en adhérant et en aidant au déroulement méthodologique de cette étude, en partageant son point de vue sur les recommandations déduites des résultats [28]. Lors de la conception de l’intervention, la LCC a occupé un rôle de co-constructeur [29] pour obtenir une vision partagée d’une logique d’intervention adaptée et intégrée au contexte local. Une série de groupes de travail regroupant les professionnels et les salariés de la LCC a été organisée pour co-construire la logique d’intervention.
Un contexte associatif favorable à la mise en place d’une offre de sevrage tabagique
Les entretiens, complétés de la revue narrative sur les freins et les leviers, ont objectivé que le contexte associatif étudié était propice à l’organisation d’une offre de sevrage tabagique au sein de son parcours de SOS. En effet, de nombreux leviers pour développer cette offre ont été identifiés et les freins pouvaient être surmontés par la mise en place d’actions ciblées. Ces déterminants pouvaient concerner directement les patients fumeurs atteints de cancer, les professionnels de santé et de bien-être de l’association, les relations interpersonnelles, l’organisation de l’association, les relations inter-organisationnelles et la dimension politique. Entre autres, la LCC s’était organisée avec des professionnels de santé et de bien-être, vacataires et bénévoles, maintenant un lien de confiance avec les bénéficiaires. Elle disposait d’un lieu d’accueil spécifique proche de centres de soins en cancérologie ainsi que d’une équipe mobile proposant une offre de SOS accessible à moindre coût et adaptable à une démarche de sevrage tabagique (repérage, proposition d’accompagnement…) (Fig. 2). Ces résultats, couplés aux lacunes révélées par la revue de la portée sur les interventions probantes, ont souligné la nécessité de développer une intervention globale d’aide au sevrage tabagique considérant plusieurs niveaux.
Présentation de la logique d’intervention
Les entretiens, les différentes revues et les groupes de travail ont permis de co-construire la logique d’intervention. La Fig. 3 illustre les principaux effets escomptés et composantes de l’intervention. L’intervention cible principalement les professionnels impliqués dans le parcours de soins en cancérologie et les organisations. Les patients atteints de cancers sont des bénéficiaires indirects de l’intervention car ils bénéficieront de l’opportunité de s’engager dans une démarche de sevrage tabagique s’ils le souhaitent.
L’association, si elle est actuellement peu reconnue comme un rouage essentiel au sevrage tabagique des patients atteints de cancer, peut jouer plusieurs fonctions :
• Repérer systématiquement le statut tabagique et proposer un accompagnement : le repérage peut avoir lieu dès l’entretien d’accueil organisé lors de l’arrivée d’un nouveau bénéficiaire à l’association et évaluant globalement les besoins en matière de SOS. D’autres moments, notamment les points de situation réguliers et les séances avec les professionnels, peuvent favoriser le repérage du statut tabagique lorsque cela n’a pas pu être fait lors de l’entretien d’accueil. Cette étape de repérage peut également permettre de prévoir une prise en charge personnalisée. Selon le statut tabagique du bénéficiaire, mais également d’autres caractéristiques (ancienneté du tabagisme, niveau de dépendance, précédentes tentatives d’arrêt, souhait de modifier sa consommation, souhait d’être accompagné), plusieurs scénarios peuvent être envisagés. Cette étape peut aussi être réalisée par d’autres professionnels du parcours de soins en cancérologie qui peuvent ensuite orienter les patients vers l’association.
• Offrir aux bénéficiaires volontaires un accompagnement adossé à l’offre de SOS de l’association et aux modes de prise en charge : les professionnels de l’association peuvent prodiguer un accompagnement non médicamenteux de sevrage tabagique. Selon le statut tabagique du patient, deux axes d’accompagnement peuvent être envisagés : une aide à la réduction du tabagisme, voire à l’arrêt immédiat en fonction des souhaits du patient, ou une aide à la consolidation du sevrage et à la prévention des rechutes.
• Outiller et former les professionnels de santé et de bien-être : l’outillage et la formation visent à apporter aux professionnels toutes les compétences et ressources nécessaires pour favoriser l’intégration de l’offre de sevrage tabagique dans leurs pratiques.
• Optimiser la coordination interne : la formalisation de moyens et de temps de communication et de décision contribue à l’activation des échanges entre les professionnels de l’association et favorise la transmission des informations essentielles sur l’évolution du patient afin d’assurer la cohérence du suivi.
Des actions peuvent être développées en dehors des murs de l’association pour compléter les fonctions de celle-ci :
• L’association peut orienter les patients volontaires vers un professionnel relai spécialisé en addictologie pour un accompagnement médicamenteux de sevrage tabagique, tout en l’accompagnant dans la prise de contact pour s’assurer de l’effectivité du suivi et éviter une rupture de parcours. Ce professionnel peut être ponctuellement détaché dans les locaux de l’association, tout en conservant la possibilité de réaliser des consultations à l’extérieur de l’association. De plus, un proche fumeur qui souhaite arrêter de fumer peut être orienté vers les ressources en addictologie du territoire.
• L’offre de sevrage tabagique doit être intégrée dans les parcours de soins existants en cancérologie pour placer les bénéficiaires au centre de l’intervention. Cela passe par la mise en place d’une collaboration avec les professionnels de la cancérologie et de l’addictologie en amont, pendant et en aval de l’offre.
• L’intervention doit être mise en visibilité auprès des patients et des professionnels du territoire.
Des enjeux éthiques au centre des préoccupations
La revue narrative sur les implications éthiques du sevrage tabagique en cancérologie a mis en évidence des tensions éthiques importantes associées au sevrage tabagique en cancérologie dans le système de soins. Cette revue révèle l’importance de garantir que l’intervention soit en accord avec des principes éthiques, tels que la bienfaisance, la non-malfaisance, la justice et l’autonomie, et regroupe :
• Une approche systématique, globale et positive pour toucher tout patient qui souhaiterait être accompagné ;
• Un parcours personnalisé selon différents scénarios et modes de prise en charge pour atteindre un public varié sur un large territoire géographique ;
• Un cadre interventionnel défini avec le patient afin qu’il soit libre de s’engager, de refuser ou de cesser l’accompagnement après avoir été informé de toutes les possibilités de suivi ;
• Une posture éthique des professionnels en accord avec les principes énoncés, leur rôle étant d’accompagner le patient quel que soit son choix.
Une intervention multidimensionnelle inscrite dans une démarche globale et éthique
L’ensemble de ce travail permet de combler les lacunes existantes en identifiant les composantes nécessaires pour proposer une offre de sevrage tabagique aux personnes atteintes de cancer dans le cadre des SOS délivrés par une association. L’intervention implique l’organisation et la mobilisation des ressources existantes dans les SOS pour proposer une offre de sevrage tabagique intégrée aux pratiques courantes. La santé est considérée comme une ressource plutôt qu’un but absolu, la finalité étant de créer les opportunités pour que les fumeurs atteints de cancer puissent s’engager dans une démarche de sevrage tabagique s’ils le souhaitent.
Etant donné un manque de description des interventions publiées dans la littérature, l’explicitation de la logique d’intervention est cruciale [30]. Elle se structure autour de multiples composantes, acteurs et niveaux. De par cette multi-dimensionnalité, il s’agit de développer une intervention qui adopte une vision globale des patients fumeurs atteints de cancer, qui agisse sur les déterminants sociaux de la santé et qui soit basée sur une démarche volontariste, participative, bienveillante et équitable, loin des approches culpabilisantes et comportementalistes.
L’intervention soulève des enjeux éthiques importants car elle peut comporter des atteintes aux principes de bienfaisance, de non-malfaisance, de justice et d’autonomie. Pour limiter au mieux les éventuelles menaces lors de la conception de l’intervention, une revue narrative a spécifiquement été menée sur les implications éthiques du sevrage tabagique en cancérologie. Cette dernière permet de repérer et d’atteindre tous les patients fumeurs suivis par l’association qui souhaiteraient être accompagnés au sevrage tabagique et à sa consolidation [31]. Elle considère différents modes de prise en charge (présentiel, domicile, distanciel) afin de toucher un public aux caractéristiques variées réparti sur un large territoire géographique [32,33]. Elle cherche également à respecter la liberté de choix des patients, notamment en formant les professionnels à la dimension éthique et aux enjeux du sevrage tabagique dans le contexte du cancer, afin d’améliorer leurs compétences et de favoriser un climat bienveillant [33].
Une illustration des défis du partenariat entre chercheurs et acteurs de terrain
L’approche collaborative illustre des défis en matière d’organisation du partenariat et d’adoption des connaissances issues de la recherche dans les pratiques professionnelles.
Les défis organisationnels font partie des principaux défis rencontrés, en raison des agendas différents qui rendent complexes l’organisation de temps de concertation. Une compréhension mutuelle entre les deux domaines a également progressivement émergé. Pour les chercheurs, il s’agit de consacrer du temps et de l’attention au maintien du lien, à la synthèse et au partage d’informations sur le processus de recherche. Pour l’association, il s’agit de comprendre le processus de recherche, la manière dont il s’intègre dans leur organisation et d’y consacrer du temps. Une différence de temporalité entre les deux domaines s’est également révélée entre le rythme plus lent imposé par le processus de recherche et l’attente de prise de décisions plus rapide du côté de l’association [29].
Des défis ont également été rencontrés dans l’adoption des connaissances issues de la recherche par l’association, en raison d’une divergence entre les connaissances produites par l’équipe de recherche et les attentes de l’association en matière d’utilisation des connaissances dans les orientations données au projet [28,29,34]. Cette divergence a mis en évidence un éventuel manque de clarté des objectifs du projet et des domaines de collaboration qui ont freiné l’avancement du projet [29].
Les défis rencontrés peuvent également être envisagés à une échelle plus large et illustrent la fragilité qui caractérise les liens de collaboration entre les chercheurs et les acteurs de terrain, collaboration encore marginale dans le processus de recherche. La Société Française de Santé Publique a montré que seuls 16% des acteurs interrogés étaient impliqués dans un processus de collaboration [35]. En effet, l’écart entre la recherche et la pratique dans le domaine des soins de santé constitue une préoccupation reconnue, d’une part, parce que la diffusion des connaissances auprès des acteurs peut prendre un temps considérable [29], et d’autre part, parce que les données probantes sont peu utilisées par les acteurs. Du côté des chercheurs, cela peut être lié à une attention insuffisante pour rendre intelligibles et utilisables les résultats de leurs recherches auprès des acteurs. Du côté des acteurs, cela peut être lié à un manque de formation au repérage et à l’utilisation de ces données, à un manque de données applicables en contexte français, à un accès difficile à certaines sources de données, à un manque de temps ou encore à un défaut d’accompagnement [22,35].
Plusieurs leçons peuvent être tirées de cette expérience de collaboration. La collaboration entre la recherche et la pratique implique une compréhension mutuelle des différents points de vue, attentes, contextes et organisations de travail pour favoriser les interactions et surmonter les éventuels défis. En cas de divergences, des temps et espaces d’interaction s’imposent pour que chacun puisse exposer ses points de vue et trouver des espaces de consensus [33]. Il est nécessaire de porter un regard réflexif sur les expériences et questionnements qui émergent de ce type de projet pour développer de nouveaux modes de collaboration et combler le fossé existant entre les deux domaines.
L’utilisation d’une diversité de méthodes et sources de données a permis d’obtenir une quantité conséquente de données probantes, qu’elles soient contextuelles, expérientielles ou issues de la littérature, afin de modéliser une intervention adaptée au contexte local. Cela a permis d’obtenir une vision globale de la problématique étudiée et de mettre en évidence des lacunes en matière d’offre de sevrage tabagique dans les associations délivrant des SOS. Le processus de concertation avec les personnes impliquées dans le projet a permis de discuter des méthodes utilisées, des résultats obtenus et du contenu de l’intervention.
Les principaux biais concernent l’étude de viabilité. Le mode de recrutement des participants aux entretiens a introduit un biais de sélection : les patients interviewés étaient des fumeurs qui se situaient aux stades de contemplation, de détermination ou d’action dans le modèle transthéorique de Prochaska et Di Clemente [36], ceux qui se situent au stade de pré-contemplation n’étaient pas représentés dans l’échantillon. De même, les professionnels de santé et de bien-être ont été présélectionnés par l’association.
L’intervention sera mise en œuvre auprès de trois comités départementaux de la LCC dans le cadre d’une étude pilote multi-site en raison de la diversité des caractéristiques territoriales et organisationnelles. Une évaluation sera menée sous la forme d’une étude de cas auprès des trois comités afin d’évaluer la viabilité et les conditions de mise en œuvre de l’intervention dans une diversité de contextes dans une perspective de routinisation, de transfert et de mise à l’échelle, mais aussi de compréhension de l’articulation entre le sevrage tabagique et les SOS.
Les associations délivrant des SOS, comme la LCC Gironde, sont des partenaires clés pour encourager les patients atteints de cancer à s’engager dans une démarche de sevrage tabagique. Elles peuvent initier la démarche, fournir une offre non médicamenteuse de sevrage tabagique et assurer un rôle pivot entre les dispositifs de cancérologie et d’addictologie du territoire.
L’intervention développée répond à la définition des interventions complexes en raison des multiples composantes, acteurs et niveaux considérés. Elle doit tenir compte du contexte de chaque association, du maillage territorial et des enjeux liés à la situation complexe des patients atteints de cancer.
L’aspect collaboratif de ce projet permet de soulever les enjeux relatifs à la complémentarité des chercheurs et des acteurs sous l’angle des méthodes d’accompagnement proposées, mais aussi grâce à la création d’un écosystème où les deux domaines co-construisent des projets pouvant aboutir à des interventions concrètes.
Remerciements/Acknowledgment: Nous souhaitons remercier les partenaires, la Ligue contre le cancer Gironde, l’Agence Régionale de Santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine et la Ligue nationale contre le cancer pour leur collaboration. Plus particulièrement, merci aux salariés et aux professionnels de santé et de bien-être de la LCC Gironde. Merci à l’ARS Nouvelle-Aquitaine et Ligue nationale contre le cancer pour le soutien financier apporté à ce projet.
Financements/Funding Statement: Ce travail a été soutenu par l’Agence Régionale de Santé de Nouvelle-Aquitaine. La suite de ce travail sera financée la Ligue nationale contre le cancer.
Contributions des auteurs/Author Contributions: Les auteurs confirment leur contribution à l’article comme suit : conception et design de l’étude : OP, RR, IB, FA ; collecte des données : OP ; analyse et interprétation des résultats : OP avec la supervision de RR, IB, FA ; préparation du projet de manuscrit : OP, RR, IB, MD, EC, FA. Tous les auteurs ont examiné les résultats et approuvé la version finale du manuscrit.
Disponibilité des données et du matériel/Availability of Data and Materials: Les participants à cette étude n’ont pas donné leur accord écrit pour que leurs données soient partagées, les données ne peuvent donc pas être divulguées.
Avis éthqiues/Ethics Approval: Un dépôt de projet a été effectué auprès du délégué à la protection des données (DPO) du CHU de Bordeaux par le biais d’une fiche du registre de traitements des données à caractère personnel, en conformité avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et selon le format proposé par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).
Dans un souci de respect de la protection des données, la méthodologie utilisée est soumise au respect de la confidentialité et de l’anonymat des participants.
Dans un souci de respect du partenaire principal de ce travail de recherche, l’avancée de l’étude s’est adaptée au rythme de l’association.
Conflits d’intérêt/Conflicts of Interest: Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts liés à ce travail.
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Annexe I
Etude qualitative par entretiens semi-directifs auprès des professionnels de santé et de bien-être de la LCC
Etude qualitative par entretiens semi-directifs auprès des patients fumeurs suivis par la LCC Gironde
Etude qualitative par entretiens directifs auprès des salariés de la LCC et par étude documentaire des données d’activité
Revue de la portée sur les interventions probantes sur le sevrage tabagique dans le cadre des soins oncologiques de support proposés par une association
Revue narrative sur les freins et les leviers à la mise en place d’une démarche de sevrage tabagique en cancérologie
Revue narrative sur les implications éthiques du sevrage tabagique en cancérologie
Groupes de travail de co-construction de l’intervention
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