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Le projet IMPAQT : réflexions sur un dispositif participatif de recherche

The IMPAQT Project: Reflections on a Participatory Research Mechanism

Charlotte Bauquier1,2,*, Myriam Pannard1,2, Léa Baillat1,2, Maëva Piton1,2, Chantal Denieul2, Isabelle Audouard2, Stéphanie Jean-Daubias2,3, Mouna Mouline2, Murielle Sevenne2, Annick Gerard2, Marie Préau1,2

1 Unité Inserm 1296 Radiations : Défense, Santé, Environnement (Université Lumière Lyon 2), Bron, 69676, France
2 Groupe de recherche IMPAQT, Seintinelles, Paris, 75014, France
3 CNRS, INSA Lyon, LIRIS, UMR 5205, F-69622 (Université Claude Bernard Lyon 1), Villeurbanne, 69100, France

* Corresponding Author: Charlotte Bauquier. Email: email

Psycho-Oncologie 2023, 17(3), 191-194. https://doi.org/10.32604/po.2023.044552

RÉSUMÉ

Au fil des quarante dernières années, de nombreuses démarches ont été initiées dans le cadre d’approches dites participatives dont l’objectif était de favoriser l’implication des citoyen·nes dans la définition et la mise en œuvre de projets et politiques les concernant. La mise en place de ces démarches participatives dans le champ des recherches interventionnelles en santé des populations met en lumière plusieurs enjeux scientifiques, organisationnels, inter-individuels et également éthiques qui doivent être discutés. Ainsi, nous proposons de présenter ici le fruit d’une réflexion collective des membres d’un groupe de recherche composé de patientes-chercheuses et de chercheuses en psychologie sociale au sujet de la mise en œuvre du projet de recherche IMPAQT dont l’objectif était d’impulser une démarche de recherche communautaire en oncologie. La discussion sera structurée en trois axes : la mise en œuvre du dispositif de recherche participative, la pérennisation de l’engagement des membres du groupe de recherche et la valorisation de la participation des patientes-chercheuses. Ces enjeux nous semblent particulièrement importants à considérer pour guider la mise en œuvre d’un partenariat solide et équilibré impliquant les personnes concernées dans la co-construction de dispositifs de recherches interventionnelles en cancérologie.

Abstract

Over the last forty years, many methodologies have been initiated within the framework of the participatory approach, the objective of which is to encourage the involvement of citizens in the definition and implementation of projects and policies concerning them. The implementation of these participatory approaches in the field of interventional research in population health reveals several scientific, organizational, inter-individual, and ethical issues that must be discussed. Thus, we propose to present here the fruit of a collective reflection of the members of a research group, composed of patient-researchers and researchers in social psychology, on the implementation of the IMPAQT research project, which aimed to promote a community-based research approach in oncology. The discussion will be structured around three topics: the implementation of the participatory research mechanism, the sustainability of the commitment involved in participating in research, and the valorization of the participation of the patient-researchers. These issues are particularly important to consider in guiding the implementation of a solid and balanced partnership with those concerned in the co-construction of interventional research devices in cancerology.

MOTS CLÉS


Keywords

Community-based research; implementation; interdisciplinarity; contributory economy

IMPAQT : favoriser la participation citoyenne à la recherche en cancérologie

Au fil des quarante dernières années, de nombreuses démarches ont été initiées avec l’objectif de favoriser l’implication des citoyen·nes dans la définition et la mise en œuvre de projets et politiques les concernant [1]. Dans cette lignée, les recherches participatives sont en plein essor, notamment dans le champ de la cancérologie [2]. Le projet IMPAQT (IMplication des PAtient·es dans la recherche en oncologie axée sur la QualiTé de vie) s’inscrit au sein d’une collaboration de longue date entre d’une part l’équipe de recherche du Pôle de Psychologie Sociale (PôPS) de l’Unité Inserm 1296 et d’autre part les Seintinelles, une plateforme de recherche collaborative qui vise à mettre en relation des chercheur·es et des volontaires pour participer à la recherche sur le cancer [2]. C’est dans le cadre de cette collaboration qu’ont été menés des ateliers visant à apprécier la faisabilité de démarches communautaires en oncologie [3]. Par la suite, un appel à volontaires a été diffusé auprès des Seintinelles afin de proposer une formation d’initiation à la recherche communautaire qui devait poser les bases d’un partenariat entre patient·es et chercheuses. La formation était composée de neuf modules. Ces modules permettaient de présenter un aperçu des enjeux de la recherche en cancérologie dans une approche en psychologie sociale (réglementations éthiques, financements, collectes de données, etc.), ainsi que de la recherche participative et des différentes formes d’engagements possibles.

Le groupe de recherche IMPAQT - constitué à l’issue de la formation - a obtenu deux financements dans le cadre d’un appel à projet régional porté par le Canceropôle Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA). Ces deux projets sont menés de façon collaborative avec une implication des patientes-chercheuses à toutes les étapes depuis le choix de l’objet de recherche - les troubles cognitifs liés aux traitements du cancer et leur prise en charge - jusqu’à la valorisation des résultats issus de la recherche [4,5] en passant par l’élaboration des outils méthodologiques déployés dans le cadre de la recherche et l’analyse des données recueillies. En parallèle, plusieurs initiatives ont été proposées afin de poursuivre le renforcement des compétences des membres du groupe. Parmi elles, un atelier d’initiation à la littérature scientifique a été réalisé en novembre 2022. Cet atelier a permis de présenter le processus de publication d’un article scientifique. Il visait également à prendre le temps d’échanger collectivement autour des idées proposées par des chercheuses et des patientes-chercheuses quant au contenu du présent article que nous souhaitions soumettre en réponse à l’appel à articles de la revue Psycho-oncologie. Une première version a été proposée à la suite de cet atelier à l’ensemble des membres du groupe pour que la version soumise fasse l’objet du consensus le plus large possible au sein du collectif. La version révisée a également pu être discutée et validée. Cet article présente ainsi le fruit de cette réflexion collective des membres du groupe de recherche IMPAQT.

Mise en œuvre de recherches communautaires en cancérologie : les premiers retours d’expérimentation d’un processus participatif « en train de se faire »

Préparer le terrain de l’implémentation du dispositif participatif : le rôle de la formation d’initiation à la recherche communautaire

La formation d’initiation à la recherche communautaire proposée visait à renforcer l’empowerment et favoriser l’acculturation des participant·es afin de faciliter leur engagement dans un projet de recherche. Si la majorité des participants s’est dite satisfaite de la formation dispensée et a souhaité intégrer le groupe de recherche, d’autres ont préféré ne pas poursuivre le projet. A titre d’exemple, l’un des participants n’ayant pas intégré le groupe a exprimé sa déception en rapportant qu’il s’attendait à bénéficier d’une formation plus orientée sur les aspects cliniques.

Dans la perspective d’utiliser la formation comme levier à la construction du groupe de recherche, il s’agissait pour les chercheuses de promouvoir un partage équilibré des responsabilités au sein du projet, qu’il n’a pourtant pas été évident à mettre en place aussitôt. En effet, les rôles de chacune des participantes ont ainsi dû être négociés, les participantes à la formation souhaitant s’engager dans le projet sans pour autant en porter la responsabilité scientifique ou le leadership. Celles-ci ont tout de même été impliquées dès les toutes premières étapes de la recherche ce qui a permis de limiter le risque de se percevoir comme un patient-alibi [6]. Ceci est illustré par le terme que ces dernières ont collectivement choisi pour être nommées : les patientes-chercheuses. Ces discussions autour des statuts et des rôles de chacune ont été soutenues par l’écriture d’une charte sur le principe de fonctionnement du groupe de recherche IMPAQT. Cependant, certaines patientes-chercheuses ont exprimé la volonté de participer davantage au fur et à mesure de la mise en œuvre des projets (ex. collaborer au recueil de données). Il apparaît que la formation proposée a bien permis d’initier une démarche participative dans un projet de recherche mais qu’elle doit être accompagnée de plusieurs autres outils de mobilisation (ex. charte, ateliers) afin de pérenniser le dispositif.

Il doit être souligné que ce type de projet à l’interface de la recherche et du travail de terrain est souvent difficile à défendre dans le cadre d’appels à projets scientifiques classiques. La création de partenariats est un moyen d’obtenir les ressources nécessaires pour que ces projets puissent être initiés. En effet, identifier les personnes avec lesquelles travailler est fondamental, particulièrement dans la mise en œuvre de démarches innovantes qui peuvent être longues à initier. Le projet IMPAQT a été soumis plusieurs fois à des appels à projets de recherche, sans succès. Un soutien logistique et financier a pu être trouvé grâce à l’identification de partenaires institutionnels (le CLARA et la plateforme Qualité de vie et Cancer) au sein des réseaux du laboratoire PôPS.

L’engagement des membres du groupe de recherche IMPAQT

Il s’agit ici de s’intéresser à la pérennisation des projets de recherches participatifs : qu’est-ce qui favorise l’engagement sur le long terme des participant·es ? Construire ce type de collaboration est un défi et une activité qui demande un engagement durable, ce qui n’est possible qu’à condition de construire des habitudes de coopérations, d’ancrer ces co-constructions dans une perspective à long terme et de prendre le temps de s’imprégner de la culture disciplinaire ou professionnelle de l’autre [7]. Ce processus d’acculturation peut être impulsé si cette collaboration permet une reconnaissance mutuelle au sein d’un groupe favorisant ainsi l’empowerment individuel des membres dudit groupe [8]. À ce sujet, il est également important de souligner le rôle indispensable que joue la personne en charge de la coordination opérationnelle du groupe IMPAQT : son rôle de médiation est un véritable facilitateur à la bonne dynamique du groupe et à la qualité scientifique de la recherche [9].

Dès le début, les réunions ont été l’occasion de discuter d’un projet scientifique autour des troubles cognitifs liés aux traitements du cancer, mais également des outils de recueils de données pour évaluer les pratiques de collaboration du groupe IMPAQT. Un journal de bord visant à recueillir des éléments expérientiels du vécu des membres du groupe a d’abord été proposé par les chercheuses (« qu’avez-vous pensé de la réunion d’aujourd’hui ? ») mais les patientes-chercheuses ont jugé le format trop similaire à celui d’un journal intime. Elles souhaitaient plutôt un outil plus rapide à remplir, type questionnaire avec des questions fermées. Cet outil d’évaluation a fait l’objet de nombreuses discussions pendant plusieurs semaines avant d’arriver à un consensus de l’ensemble des membres du groupe sur sa version finale. Les différents items et les concepts associés ont été choisis collectivement. Ainsi, si au premier abord, l’outil - qui prend la forme d’un questionnaire de satisfaction avec une seule question ouverte - peut apparaître limité dans sa dimension participative, il est pourtant bien le produit des discussions au sein du groupe de recherche. Finalement, son rôle ne s’arrête pas à la seule évaluation de la satisfaction, il permet surtout aux patientes-chercheuses et aux chercheuses de réévaluer leur propre participation aux travaux du groupe tout au long de la recherche.

Production et contribution des patientes-chercheuses

Alors que les bénéfices de l’apport de la participation des personnes concernées à la qualité scientifique des recherches et à leur pertinence en termes de problématiques sociales sont largement reconnus aujourd’hui [7,10], la question de la valorisation de cette contribution reste un sujet sensible. Pour cela, il semble important de s’interroger sur ce qui a amené les patientes-chercheuses à rejoindre le groupe IMPAQT et à engager une réflexion sur la manière dont cet engagement est reconnu et valorisé, d’abord au sein du groupe et par les chercheuses, dans le champ académique et plus largement au niveau social. On entend par valorisation sociale, la reconnaissance d’un statut à part entière aux projets académiques par exemple pouvant amener à une rémunération de ce travail. La rémunération ou non des patient·es à la recherche est l’objet de larges échanges qui amènent à considérer la diversité des cadres (ex. statut de la structure qui porte le projet), des situations inter-individuelles (ex. statuts divers au sein d’un même collectif : personnes bénéficiant d’une allocation adulte handicapé, exerçant une activité professionnelle par ailleurs) et des personnes concernées (ex. temps qu’elles souhaitent/peuvent accorder au projet, qui peut varier selon les périodes pour une même personne). D’autres formes de valorisation associée à la participation existent et peuvent apparaître importantes pour les personnes concernées. Le modèle de l’économie de la contribution se développe progressivement dans le champ de la recherche contributive [11] et pourrait aider à appréhender ce sujet. En effet, selon ce modèle, il existe tout un ensemble de pratiques qui renvoient aux participations de contributeurs librement investis dans l’activité et qui acceptent de coopérer et de diffuser leurs connaissances en faisant du don une modalité possible de la participation [12].

Les patientes-chercheuses ont fait le choix de participer sans être rémunérées. Ce sujet a été évoqué dès le début du premier projet de recherche, car ce n’était pas une forme de rétribution envisageable à ce stade, notamment pour des raisons budgétaires. Ainsi, il s’agit pour elles d’une participation fondée sur un engagement citoyen, enrichissant aussi bien humainement qu’intellectuellement. Du fait de cette appartenance au groupe IMPAQT, plusieurs d’entre elles ont eu l’occasion de participer à des journées de formation, des journées d’études ou encore des comités de pilotage de projets. Ces différents moments leur offrent la possibilité de souligner leurs apports aux projets de recherche (ex. choix collectifs des critères d’inclusion, élaboration commune des stratégies de recrutements des participant·es), les bénéfices qu’elles perçoivent (ex. montée en compétences qui facilite - pour celles qui le souhaitent - la (re)construction d’une identité professionnelle) ainsi que leur perception des relations au sein du groupe (ex. écoute et empathie réciproque, reconnaissance de la pertinence de l'expertise liée à leur vécu de la part des chercheuses). C’est finalement surtout sur la base de ces échanges réciproques que se fonde la reconnaissance des apports de chaque membre du collectif IMPAQT, en particulier des patientes-chercheuses.

Remerciements/Acknowledgement: Tous les auteurs ont contribué à l’écriture et à la relecture de l’éditorial.

Financements/Funding Statement: Ce travail a été soutenu par la Plateforme nationale qualité de vie et cancer.

Contributions des auteurs/Author Contributions: Les auteurs confirment leur contribution à l’article comme suit : préparation du projet de manuscrit : C. Bauquier. Révision du manuscrit : L. Baillat, M. Pannard, C. Denieul, S. Jean-Daubias, M. Mouline, M. Sevenne, A. Gerard, M. Préau. Tous les auteurs ont examiné les révisions du manuscrit et approuvé sa version finale.

Disponibilité des données et du matériel/Availability of Data and Materials: Les données ne sont pas disponibles.

Avis éthqiues/Ethics Approval: non concerné

Conflits d’intérêt/Conflicts of Interest: Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt.

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Cite This Article

APA Style
Bauquier, C., Pannard, M., Baillat, L., Piton, M., Denieul, C. et al. (2023). Le projet IMPAQT : réflexions sur un dispositif participatif de recherche. Psycho-Oncologie, 17(3), 191-194. https://doi.org/10.32604/po.2023.044552
Vancouver Style
Bauquier C, Pannard M, Baillat L, Piton M, Denieul C, Audouard I, et al. Le projet IMPAQT : réflexions sur un dispositif participatif de recherche. Psycho-Oncologie. 2023;17(3):191-194 https://doi.org/10.32604/po.2023.044552
IEEE Style
C. Bauquier et al., “Le projet IMPAQT : réflexions sur un dispositif participatif de recherche,” Psycho-Oncologie, vol. 17, no. 3, pp. 191-194, 2023. https://doi.org/10.32604/po.2023.044552


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