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La confiance dans le dispositif : une obstination déraisonnable
Trust in the Device: an Unreasonable Obstinacy
Psycho-Oncologie 2022, 16(2), 229-233. https://doi.org/10.3166/pson-2022-0195
RÉSUMÉ
L’évolution législative récente relative à la fin de vie, qui tend à substituer la procédure à la relation, interroge. Aujourd’hui, chaque question semble devoir être obstiné- ment transformée en problème à résoudre, et donc à résoudre techniquement. Nous évoluons dans un contexte marqué par la primauté de la technique et du droit sur le sens et sur le rapport humain. Ce paradigme, confronté à nos limites, accentue la double angoisse de la fin de vie : la peur de souffrir et la peur de mourir. Il favorise également une compréhension nominaliste de la liberté : l’autonomie n’est plus comprise comme un accomplissement, mais comme un refus, une émancipation du réel. La loi du 2 février 2016 rend compte de ce déplacement, elle qui nous invite à placer notre confiance non plus dans la personne mais « dans le dispositif ». Ainsi des directives anticipées, dont la finalité est de faire droit à l’autonomie, réduite à la maîtrise, au contrôle des conditions du mourir. Le dispositif, qui fera dépendre l’autonomie d’une exigence de conformité à la technique, devient le symptôme d’une profonde désubjectivation. La médicalisation de la mort obère la question de la mort. Et cette désymbolisation de la mort va de pair avec son individualisation, le sujet étant laissé de plus en plus seul. Il conviendrait de rendre à la parole et au sens leur souveraineté. Car les enjeux de la fin de vie sont des enjeux de sens — non de moyens.Abstract
The recent French legislative evolution concerning the end of life, which tends to substitute the procedure for the relationship, raises questions. Today, every question seems to have to be obstinately transformed into a problem to be solved, and therefore to be solved technically. We are evolving in a context marked by the primacy of technique and law over meaning and human relationships. This paradigm, when confronted with our limitations, accentuates the double anguish of the end of life: fear of suffering and fear of dying. It also favors a nominalist understanding of freedom: autonomy is no longer understood as an achievement but as a refusal, an emancipation from reality. The French law of February 2, 2016, reflects this shift, inviting us to place our trust not in the person but “in the device”. Thus, the advance directives, whose purpose is to give the right to autonomy, are reduced to mastery, the control of the conditions of dying. The device, which makes autonomy depend on a requirement of conformity to technique, becomes the symptom of a profound de-subjectification. The medicalization of death fetters the question of death. And this desymbolization of death goes hand in hand with its individualization, the subject being left more and more alone. It would be advisable to give back to speech and the meaning of their sovereignty. The issues at stake at the end of life are issues of meaning —not of means.MOTS CLÉS
Keywords
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